Fury
6.7
Fury

Film de David Ayer (2014)

A l'UGC Ciné Cité des Halles, la séance de 17 heures est presque complète.
J'invoque le seigneur pour que les deux places à ma gauche restent vides afin que je puisse étendre mes jambes. Soudain, juste avant le début du film, un homme se lève et quitte la salle. Prémonition ? L'homme a vu le futur c'est certain. Il a pressenti la véritable daube qui va s’étaler pendant plus de 2 heures sur l’écran.
Un véritable malaise m'envahit. D’autant que, quelques secondes avant que les lumières ne s’éteignent, un couple âgé s’installe laborieusement à côté de moi. A peine assis, le vieil homme se met à croquer une pomme.
Dans Fury, je comprends très vite que Brad Pitt n’aime pas les nazis. Il tue dès les premières minutes.
En tant que chef de char et entouré d’une fine équipe, Brad Pitt est animé d’une quête obsessionnelle : tuer un maximum de nazis. Nazis dans les bois, nazis dans des trous, nazis dans des maisons ou dans des caves.
Dans son équipe, une jeune recrue semble quand même avoir quelques considérations morales sur le sens à donner à tout cela. Il se confie à Brad : « Ce n’est pas bien ce qu’on fait. Je veux pas tuer tous ces nazis, je suis dactylo à la base. » Brad capte le message. Ayant fait quelques prisonniers, il force le soldat philosophe à exécuter un nazi dans le dos.
Parfois Brad est fatigué et fait une pause. Dans un grand élan de compassion, il offre des œufs et des cigarettes à deux femmes allemandes avant de demander un peu d’eau chaude pour se raser et laver ses beaux cheveux coupés à la perfection.
Puis il repart tuer des nazis. Et bientôt, la jeune recrue aux considérations moralistes déculpabilise totalement et se met lui aussi à buter du nazi à tour de bras.
Notons, sur le plan de la vraisemblance, que dans ce film les tanks tirent quasiment comme les destroyers de l’Empire dans Star Wars. Il s’agit donc plus de tirs lasers que de simples bombinettes et c’est amusant en termes d’effets pyrotechniques.
En tant qu’acteur, Brad Pitt régresse encore un peu plus. Il est aidé par la composition catastrophique de Shia La Beouf, sorte de prêtre soldat moustachu qui a pris soin de ne pas se laver pendant tout le film pour un supplément de réalisme. Mais peut-être que c’est Jon Bernthal (Walking Dead) qui a convaincu Brad de ne point trop en faire sur le plan du jeu. Jon étant une sorte de Robert de Niro cauchemardesque doté d’un redoutable accent des faubourgs et qui se plaît à saborder la totalité des scènes dans lesquelles il apparaît (la scène du repas représentant le summum du cabotinage pour cet « acteur » limité sur le plan expressif).
Je passe un très mauvais moment et je suis convaincu que beaucoup d’autres spectateurs souhaitent imiter le personnage visionnaire qui avait quitté la salle avant le début du film.
Toutefois mon voisin croqueur de pomme à l’air à la fête et parfaitement détendu devant ce navet très premier degré. Il glousse pratiquement à chaque réplique censée être humoristique. Encore plus étrange, ce vieux monsieur montre l’écran avec son doigt toutes les deux minutes et je me demande encore ce que cela peut bien vouloir dire. Est-il obligé de montrer les avions dans le ciel ? Sa femme ne voit-elle pas la même chose que lui ? Toujours est-il qu’il se penche souvent vers sa femme. Peut-être lui explique t-il des subtilités dans le scénarios que je n’aurais pas saisis ou bien lui fait-il part d’informations techniques sur les différents types de chars utilisés ?
Le final est assez extraordinaire puisqu’on s’approche du grand guignol. Brad et ses amis ont roulé sur une mine et leur char ne peut plus avancer. 300 nazis bien équipés s’approchent sur un chemin de campagne. Que va faire Brad ? S’enfuir de façon relativement logique et censée ? Pas du tout ! C’est un nazi killer.
A 300 contre 5, ça peut encore le faire. Après un léger flottement, sa fidèle équipe remonte dans le char pour une belle séquence en mode Call Of Duty extrême de plus de 20 minutes. Qui se sortira d’un tel merdier ? Le soldat dactylo pardi ! Après un dernier adieu à Brad qui tarde à mourir malgré ses cinq balles dans le carafon, le jeune moraliste s’enfuit par une trappe.
Caché dans la boue sous le char, il est tout de même repéré par un nazi. Ils se regardent et il semble que l’allemand ne soit pas trop rancunier puisque, malgré la mort de plusieurs centaines de ses camarades, il choisit de le laisser en vie. Comme quoi le raisonnement nazi est impénétrable.
La messe est dite et beaucoup de spectateurs remettent leurs manteaux et quittent la salle avant la fin.
mauriceronet
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le 24 oct. 2014

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Maurice  Ronet

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