Une éternité que je n’avais pas vu ce film dont je gardais un assez bon souvenir, notamment pour quelques joyeuses scènes entre Alain Chabat et Josiane Balasko. Je m’attendais pour tout dire à ce qu’il me donne l’impression d’avoir vieilli.


Or, à ma grande surprise, au delà bien entendu de son esthétique années 80 naturellement très marquée, je vois ce jour un film qui a de la tenue et un regard toujours contemporain. L’humour y est toujours aussi bon, percutant.


Construit sur le bouleversement très violent qu’un macho, un poil arriéré par définition, se voit contraint d’accepter, une véritable révolution dans son existence, le scénario joue sur cette douleur affective et narcissique.


Entre amour et ego meurtri, Alain Chabat aborde son rôle sur une large palette d’émotions. Il le fait avec assez de talent pour ne pas déborder et tomber dans la caricature, bien que ce péril soit si proche d’arriver.


De la même manière, Josiane Balasko campe une homosexuelle très garçonne, mais non dénuée de sensibilité et donc avec une certaine dose de réalisme. D’aucuns diront qu’elle n’était pas obligée de la jouer aussi camionneur rustique, m’enfin, le parti pris résolument comique lui a sans doute commandé d’en rajouter dans le cliché pour heurter davantage son adversaire masculin du moment. Ca peut se comprendre.


Entre eux deux, la sauce espagnole au goût d’Avril printanier signe la Victoria d’une très belle actrice, mêlant sensualité et tendresse, passion et sourires. J’aime beaucoup Victoria Abril, son explosivité, comme sa délicatesse, une grande comédienne. Almodovar ne s’y est pas trompé.


Hors de question d'oublier dans la distribution le superbe rôle attribué à un 4e larron tout aussi festif : Ticky Holgado. Dans les seconds rôles français des années 90, cet acteur a su se faire une belle place. Avec Une époque formidable, peut-être s'agit-il là d'un de ses meilleurs rôles. Très émouvant, son personnage un peu paumé, naïf et gentil, très doux et con à la fois a de quoi toucher. Le comédien rond sait très bien le jouer, ajoutant quelque chose de merveilleusement délicat et qui n'appartient qu’à lui. Comment ne pas aimer Ticky Holgado? Je ne sais pas faire, désolé.


De ce quatuor émane une alchimie pétillante, un dynamisme dans les échanges comme dans l'enchaînement des situations qui assure à l'humour une place prépondérante mais pas non plus systématique : par moments, le film se laisse aller à d'autres émotions, notamment quand les personnages sont désemparés devant leur échec, leur souffrance.


Sur le plan technique ou de la mise en image, Josiane Balasko n'a jamais été une grande cinéaste, mais son film reste un objet très correct, sobre, propre. Rien de notable vient rehausser le film. Rien non plus vient le rabaisser. Balasko filme de façon très académique, sans bavure ni relief. Tout repose sur le talent des comédiens à donner de la vie à un scénario par ailleurs bien écrit, assez riche, vif et émouvant.
captures et trombi

Alligator
7
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le 29 mai 2017

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