Ce qui est bien, avec Errol Flynn, c'est qu'il arrive à donner de la contenance à n'importe quel personnage historique ; bon, par contre, il le fait toujours un peu de la même manière. Si on résume ça dans une équation ax + b, disons que la constante, b = un personnage au culot charismatique, et a = la prétention, à x degrés.
Dans Gentleman Jim, la prétention est exacerbée au point de rendre le personnage de James J. Corbett presque insupportable. Oui, c'est un sentiment très étonnant, et à mon goût très rare, qu'arrive à provoquer le héros de ce film : on apprécie connaître son histoire, de loin, mais pour rien au monde on ne voudrait le rencontrer, ce type qui fait se fait demander par les laquais dans les salons pour le plaisir d'entendre crier son nom.
En revanche, ce qui est très fort, c'est que, en contrepoint, quand cet énergumène se met à boxer, on se met à l'admirer. Et, de la même façon que les riches qui l'entourent et le testent – avec qui se fait peut-être finalement l'identification – on lui en veut d'enchaîner les combats victorieux, alors qu'il est agaçant et qu'il a la grosse tête. Ah, non, pardon, car précise-t-il : « Vous vous trompez. La grosse tête c'est quand un gars pense qu'il est bon. Vous saisissez la différence ? »
Ces scènes de boxe, où il se montre admirable, sont excellemment tournées ; en fait, on se surprend à apprécier ce sport (c'était plutôt inespéré pour moi), et bien que l'on voit plusieurs combats dans leur quasi-totalité, on ne s'ennuie jamais. Corbett va-t-il gagner le match ? Comme il semble tous les emporter, la tension ne cesse de monter, car il faut bien qu'il perde une fois. Non ? En plus du suspense, il faut souligner, tout simplement, la beauté des matchs, la précision des gestes de Corbett – qui est une « danseuse » plutôt qu'une brute, raison pour laquelle il révolutionne la boxe. Sa technique s'affine au cours des matchs, ce qui est une raison supplémentaire pour les rendre captivants, narrativisés.
Hors de la boxe, Gentleman Jim est l'histoire d'une ascension sociale par la ruse et par l'esprit, ce qui bien sûr la rend passionnante. Tous les personnages sont caractérisés, avec une efficacité effrayante, en l'espace de deux répliques ou d'un plan sur le visage. On trouve quelques gags, comme des grincements de portes lorsque les vieux se penchent à la gym, ou une grosse cuite qui a fait faire aux personnages un petit bout de chemin... Et puis, si on décrochait, un fil de sécurité est assuré par une histoire d'amour potentielle en arrière-fond. Bref, autant dire qu'on se sent entre de bonnes mains, et qu'on a bien raison.
Philistine
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le 20 mai 2011

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