Ce n'est pas parce que l'on est accueilli à bras ouverts que l'on est le bienvenu chez les blancs

Attention cette critique est habitée par des spoilers faussement accueillants, sortez d'ici tout de suite si vous n'avez pas vu le film.

Bon on ne va pas se mentir, le programme anti-raciste annoncé est loin d'être impressionnant. Mais est-ce vraiment ce qu'on en attendait ? C'est un thriller, si je suis venu le voir c'est pour le divertissement. Et de ce côté là il rend plutôt bien, même s'il ne repose pas exactement sur les mécanismes habituels. On se doute dès le début qu'un piège menace Chris, le noir paumé au milieu des blancs, mais la question n'est pas tant de savoir ce qui l'attend que de voir le malaise s'insinuer en lui. Mais pas un malaise inconfortable, plutôt un malaise comique tant c'est forcé, presque à la manière de Sheitan. Les sourires carnassiers des serviteurs noirs, la remarque sur les chevreuils assimilés aux rats que l'on devrait exterminer, les questions sur le patrimoine génétique, moi ça m'a fait rire tant c'était appuyé tandis que les personnages font semblant de ne pas voir le problème que posent leurs déclarations. Cela pouvait tout à fait cohabiter avec une forme de tension pour le personnage qui ne se sent plus de vivre dans cette atmosphère étrange.

Et puis vient le 3e acte où les masques tombent enfin officiellement après un twist bien cramé, et là ça devient particulier. Je ne sais pas si c'était totalement volontaire, mais je me suis vraiment marré. Alors ces racistes en fait, il kidnappent des noirs pour vivre dans leur corps parce qu'il kiffent leur patrimoine génétique et que le noir est à la mode ? Mais... pfffrt... PFFRTHAHAHAHA MAIS QU'Y SONT CONS CES SCÉNARISTES ! Je pourrais parler du gros bullshit scientifique, mais je pense que tout le monde l'a remarqué. Ça m'a rappelé A Cure For Life qui se terminait comme un film de la Hammer. Ouais, Get Out c'est aussi un film de la Hammer mais sans rien de gothique et sans prévenir pour qu'on accepte ce truc balancé à la face. Non moi je veux surtout parler de tout ce que ça implique sur ce que raconte réellement le film.

Les méchants sont tellement racistes qu'ils deviennent noirs et vivent au milieu de leurs parents qui font du blackface comme d'autres changent de chapeau. Ça bousille complètement le propos du film qui se voulait anti-raciste : le racisme est le résultat d'une méconnaissance des gens qui pousse à croire des clichés et à se sentir supérieur, il provoque le haine ou la peur. Et en fait ceux là n'éprouvent ni haine ni peur, ils jalousent juste leur beau corps ébène et musclé qui surpasse leur pauvre patrimoine génétique de blanc. Il n'y a pas de réel dénigrement, juste une impression stupide inventée pour l'occasion comme quoi leurs gènes seraient chouettes, on dirait du Metal Gear Solid. Du coup tout le propos du film s'écroule comme un château de cartes car les motivations des personnages sont bien trop éloignées de la réalité pour que la dénonciation de leur comportement (lui beaucoup plus ancré dans le réel) se fasse correctement. D'ailleurs je pensais que l'aveugle serait utilisé pour fournir un personnage qui ne différencie pas les noirs des blancs et se sentirait donc étranger aux préjugés, mais je n'ai pas l'impression que c'est exploité. On tenait pourtant quelque chose avec l'idée que les blancs cherchent à s'approprier le corps des noirs, au début je pensais qu'ils voulaient les lobotomiser pour en faire leurs serviteurs dociles et ça aurait bien collé, mais ici pas du tout. Mais finalement, est-ce vraiment de ce racisme là que voulait parler le réalisateur ?

Je pense que Jordan Peele nous a tous floué : son thriller n'en est pas un, c'est une comédie. Quand le pote de Chris essaie de convaincre les flics que des blancs enlèvent des noirs pour en faire des esclaves sexuels, les flics se marrent parce que c'est complètement ridicule. Or c'est exactement ce qu'il se passe dans le film, le vol de corps pouvant très bien passer pour une forme de viol. Donc le réalisateur se moque directement de l'absurdité de cette idée avec ces policiers à l'hilarité communicative. Et puis voir la fille blanche appeler la servante noire "mamie" pour qu'elle aille courser Chris, ça met en valeur toute l'idiotie de la situation et de cette mise en scène inutilement compliquée (ils ne pouvaient pas l'attraper dès le début comme dans l'intro ?).

Ensuite c'est le festival, je me suis marré comme devant un nanar. Oh les cons, ils te collent une musique grégorienne avant cette opération chirurgicale. Eh mais comment il s'est mis du coton dans les oreilles alors qu'il était attaché ? (j'ai fait le test chez moi, en fait c'est possible si seuls les poignets et les jambes sont attachés) Tiens le père entend du bruit, il s'approche de la porte, suspense... BAM Chris surgit comme un diable hors de sa boîte et l'embroche avec une mother fucking tête de cerf empaillée ! Mais quel bourrin, genre il a dû regarder autour de lui et il s'est dit "OUI, c'est cette énorme tête de cerf que je veux pour pourrir ce konnar ! Kiss my ass bitch !" et il nous gratifie du même coup du symbole bien pété de la proie qui marave le chasseur. Il n'y a plus de frousse du tout, là je suis juste en train de voir la version déglinguée de Django Unchained qui était pourtant déjà gratiné niveau joyeuse improbabilité. Tout ça pour terminer avec des retrouvailles de buddy movie, c'est limite si on ne balançait pas le générique de l'agence tous risques.

Get Out est un thriller qui fait sourire au début, puis c'est un gros n'importe quoi qui devient très drôle pour peu qu'on le prenne au second degré. Je suis sorti de la salle sans savoir sur le coup si ce que j'avais vu était une réussite ou un échec, mais dans les deux cas ça m'avait complètement revigoré.