Chouette! Devine qui vient dîner?

Oui, c'est une excellente surprise! Voilà un bon petit film bien ficelé, bien sympa et plus profond qu'il ne le laisse paraître. Comparé à d'autres productions affichant de plus hautes ambitions dans le sujet et la forme, celui-ci avec son petit budget et son propos modeste de film d'épouvante atteint parfaitement ses buts: distraire, tenir en haleine... et plus si on y est disposé.
La scène d'ouverture nous plonge d'emblée dans une drôlerie loufoque et inquiétante. Puis, sans détour, nous sommes dans le vif du sujet: un noir, une petite amie blanche et le malaise qui ne devrait normalement pas être mentionné car plus personne n'est raciste en Amérique depuis Obama. Sommes-nous paranoïaques comme le héros(formidable interprétation), aussi incrédules face aux protestations insistantes de tolérance et même d'admiration envers les noirs?
Non, aucune ambigüité, le traitement est résolument à la farce, la parodie, le théâtral: un "bon noir" , une fiancée blanche qui en fait beaucoup pour démontrer qu'elle n'est pas raciste, une demeure d'un autre siècle, remplie de vestiges de l'époque de la suprématie blanche, évocation décalée d'une aristocratie surannée, notables souriants, la mode n'est plus au racisme se plait-on à répéter et ce non-racisme affiché fait monter le scepticisme et l'angoisse, forcément: les apparences trahissent le discours, subtil glissement de la vision du racisme. C'est tellement évident que ça fonctionne.
Bien que le propos soit posé dès le départ, le racisme viscéral de certaines couches sociales américaines, la mise en scène et l'écriture parfaitement maîtrisées ne cessent d'intriguer, d'évoquer le décalage, le malaise croissant et l'angoisse qui couve. La tension monte du sentiment d'inadéquation, fort bien distillé dans les scènes comme le repas qui dérape, la garden-party outrancièrement cordiale, la séance d'hypnose glaçante, le copain à l'humour un peu lourd intervenant pour nous rappeler une réalité plus contemporaine et terre à terre, au raz des pâquerettes littéralement! ça plane pas haut, mais ça plane sur terre! Pas si stupide que ça en a l'air!
Ça parait simple parce que ça coule sans difficulté, on se laisse embarquer par ce scénario glaçant, bien tordu, avec son humour corrosif, ses moments d'angoisse savamment dosée, on se glisse sans effort dans la peau de ce personnage incrédule, ahuri, passif et on plonge à sa suite dans un effroi graduel ponctué de détails savoureux et de touches d'ironie cynique parce que l'interprétation colle totalement, ça glisse, ça roule, ça fonctionne au poil, mais sur le fil du rasoir ce n'est pas une prouesse facile à réussir.
Alors, on peux s'en tenir là et en être satisfait, un régal de petit film d'horreur solidement architecturé, bien troussé mais sans prétention... et drôle, de bout en bout, une situation tellement absurde qu'elle s'impose comme l'évidence qui nous crève les yeux et qu'on refuse de voir. A l'image du héros(photographe!)paralysé mais les yeux grands-ouverts, fixés sur l'écran de la télé ou la lucarne de ses tortionnaires, conscient mais impuissant à échapper aux apparences, aux faux-discours, le cerveau lavé...
Avec le recul, ça m'a fait froid dans le dos.
On regretterait presque de s'être amusé, on en deviendrait paranoïaque. Et si c'était juste là devant moi, une telle évidence! et je ne vois rien! Moi aussi devant l'écran.... peut-être pas si anodin... peut-être qu'on s'est joué de moi... Là j'ai vraiment l'impression de m'être fait rouler dans la farine avec virtuosité: on vous montre l'évidence, et vous avez des doutes? Bravo! Ça fonctionne... autant dans la réalité que dans la fiction.

boomba
7
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le 15 sept. 2017

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boomba

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