SJW stéréotypés, ce message est pour vous

Je découvre seulement maintenant ce petit bijou, dont j’ai entendu beaucoup de bien.
En réalité j’avais peur qu’il s’agisse d’un film larmoyant, poussif et prétentieux (et donc assez con) comme c’est souvent le cas avec les films traitant ce sujet.
Des films généralement trop sages, trop convenus, trop « bien pensant » <—- le terme est degueulasse mais il a son importance ici.


J’ai également appris qu’il avait suscité une vive polémique chez certaines personnes LGBT.
Ce petit écrit sera donc autant une micro-critique amateur, qu’un pamphlet envers tous ces abrutis d’extrémistes de la tolérance qui sont ironiquement les personnes les moins tolérantes qui puissent exister.


Premier (et plus gros) reproche qu’on a fait à ce film : il n’est pas représentatif de tous les LGBT.
Êtes vous complètement idiots ?
C’est un film.
Un film qui se concentre sur un personnage, fictif qui plus est (même si j’ai entendu dire qu’il était inspiré d’une vraie danseuse).
Bien sûr que ce n’est pas représentatif de toutes les personnes dans cette situation.
C’est même impossible à faire. A part dans un film ultra impersonnel et moralisateur, beurk.
Ici on se concentre sur un personnage. Dont la souffrance est bien réelle, et existe bel et bien.
Ce film ne se concentre pas sur les douleurs de TOUTES les personnes transgenres, mais d’une catégorie bien spécifique. Et donc ? Les personnes trans sont censés vivre tous la même chose et ressentir les mêmes choses ? Vos reproches n’ont aucun sens…
Quand on fait un film sur un tueur à gage romantique à la The Killer, est ce une ode au crime ? Est ce qu’on tente par là de signifier aux gens qu’être un tueur c’est cool, qu’ils sont tous comme ça ?
Je pose la question ironiquement, mais je sais que certaines personnes le pensent sincèrement, et ça me dépasse…
Il s’agit d’un portrait D’UNE personne. Nous ne sommes pas obligés d’être identique à cette personne pour se reconnaître en elle.


D’autant que contrairement à ce qu’on a pu dire, le film n’est absolument pas caricatural. C’est même fou à quel point il ne l’est JAMAIS.
On pourrait par exemple tomber dans le piège d’un film constamment dramatique et triste, et pourtant non. Le film contient des passages de bonheur, de libération. Et ces moments ne sont jamais exagérés, toujours subtiles.
Idem pour la famille du personnage principal, réellement aimante, avenante et compréhensive. Ce qui est carrément a contre courant de ce qu’on a l’habitude de voir !


Alors oui, le milieu professionnel qu’il traite est le milieu de la danse, et ça peut paraître cliché.
Mais peut être est-ce plutôt au contraire un moyen de définir une crise identitaire, étant donné que c’est un milieu très féminin en terme de stéréotype. Donc c’est pertinent.


Et tous les passages de doute, de tristesse, de colère et de honte n’ont rien de cliché non plus. Ils sont essentiels. Et justifiés ! Il s’agit d’un portrait d’une personne qui souffre, alors pourquoi ne pas montrer ses souffrances ? C’est le propos du film…


D’autant qu’il y a beaucoup de génie dans ce film. On gagne en réalisme et en objectivité ce qu’on perd en romantisme et en métaphore. Tout est concret, palpable. C’est un cinéma presque documentaire, mais très cinématographique par l’utilisation de la caméra.
On est souvent en caméra embarquée, qui suit le personnage. Tremble légèrement dans les moments de doute, accélère durant les phases de colère et se stop froidement durant les moments de gêne, de peur.


On a également reproché au film un certain voyeurisme. Pour les émotions du personnage, c’est normal de les montrer. C’est un portrait humain, les émotions sont là et bien réelle. Elles sont parfaitement censées, logiques et jouées avec une maestria plus qu’admirable.
Mais le reproche a surtout était fait sur le voyeurisme « sexuel ».
Il est vrai qu’on a pas mal de moment qui se consacre au personnage nu, qui se regarde dans la glace. Alors déjà je tiens à préciser qu’on voit rarement le sexe en question, c’est généralement mis en scène de sorte a le cacher.
Ensuite, encore ici ça a son importance, et c’est pertinent.
Le personnage a honte de son sexe. Durant ces scènes, Lara est constamment seule. La caméra est fixe, aucun son, juste un bruit de respiration instable. Ça nous montre clairement son mal-être, sa douleur.
Il ne s’agit pas d’une scène sexuelle, mais d’une scène d’empathie, qui nous dévoile et nous enferme dans son état d’esprit.
Si le film est autant fasciné sur les parties intimes, c’est parce que le personnage l’est tout autant.
Le personnage est obsédé par son sexe, alors le film nous le montre de la façon la plus radicale possible.


Ces scènes n’ont permettent d’apprendre que Lara souffre pour masquer à tout prix son sexe. Qu’elle y voit un fardeau. Il en va de même pour son absence de sein.
On nous montre souvent le personnage vérifié si sa prise d’hormone et efficace, pas par acharnement voyeuriste, mais pour nous montrer son impatience.


Le personnage de Lara est silencieux. Il s’ouvre peu. Donc le seul moment de nous dévoiler son état d’esprit et de le développer, c’est de nous plonger dans son intimité.
La vision de comment elle appréhende son corps est 100x plus parlant que d’essayer de mettre des mots à cette souffrance.


Et cette psychologie du personnage s’étend bien au delà du simple domaine anatomique (qui n’est finalement qu’une représentation physique d’un mal-être moral).
Parlons par exemple de ces moments en cours de danse, qui sont cauchemardesques au possible.
Ces moments se construisent très clairement comme un thriller psychologique glaçant.
Le personnage est passionné de danse, mais les moments où il est le plus mal c’est quand il pratique..
Pas un sourire, des grimaces de douleur, des pleurs, et surtout une caméra qui s’affole au point de donner le tournis.
Encore une fois, ces moments sont très intéressants et vraiment bien pensés, en plus d’être assez subversifs.
Mais on pourra cependant reprocher au film d’en être un peu trop friant, ces scènes se répétant un peu trop sans apporter grand chose au fur et à mesure.


Il s’agit évidemment d’un film intimiste. Absolument pas contemplatif comme certains ont pu dire (qui contemple la douleur d’un personnage sérieusement ?).
Le rythme est d’ailleurs étonnamment soutenu.
Le personnage est travailleur, vif et impatient. Le rythme est donc en accord avec cet état d’esprit, ne prenant pas la voie de la mélancolie pathos, mais plutôt d’une souffrance vive, oppressante et brûlante.


Il est vrai que le film est assez radical.
La psychologie et le mal-être de Lara nous est montré avec franchise, et sans détour.
Ses longues secondes de dégoût de soi...
Ses moments de danse en signe de détresse et d’esprit malade...
Ses nombreuses séquences de pieds ensanglantés a force d’effort, aussi métaphoriques que concrètes...
Au delà d’un film sur la transidentité, on est clairement dans une œuvre sur l’adolescence.
Vu via un prisme de la dysphorie de genre, accentuant donc cette souffrance.
Mais il y a naturellement des scènes dans lesquelles on se reconnaît tous.
Le questionnement sur l’identité, l’amour, le sexe… Des thématiques magnifiquement abordées, avec une justesse incroyable.


De toute façon, le film est d’une justesse folle.
Dans ses propos comme on a dit, mais également dans ses personnages et leurs interprétations.


Lara n’est jamais qu’une fille transgenre, mais est avant tout une ado. Pressée de grandir, de changer. Qui comprend mal les garçons. Qui n’arrive pas à s’ouvrir. Qui s’énerve sur son père sans raison. Qui s’exprime mal parfois. Qui sourit par timidité à tout le monde. Qui ne sait pas ou placer ses mains quand elle est gênée. Qui gratte le papier peint du mur quand elle stress au téléphone etc etc…


Le père également, qui est formidablement interprété.
Un personnage ultra attachant, qui transpire l’amour fou pour sa fille, dans tous ses gestes, toutes ses paroles. Un personnage ultra bienveillant, qui se tue pour le bonheur de sa fille. Mais qui est impuissant face à ses silences et ses secrets.


La complicité entre ces 2 personnages semble si réelle, si vivante… C’est réellement impressionnant.
Si on ajoute à ça le côté documentaire, la mise en scène sobre et minimaliste, les détails , les dialogues, on a réellement l’impression de voir des moments de vie; un cinéma vérité.


Cependant, j’émets quelques très légères réserves...
-Le personnage du petit frère me semble assez effacé et inutile. Il n'a son utilité que pour une réplique, qui offre une scène très forte. Mais après tout elle suffit à justifier sa présence dans le film à elle seule.


-Un autre personnage, féminin, qui semble tout simplement abject. Les personnages du film n’ont rien de manichéen, sauf elle. Heureusement elle n’est pas trop présente, ni trop caricaturale.
Et elle aussi permet des scènes vraiment intenses, surtout durant sa dernière apparition. Offrant à ce moment là une scène bien plus horrifique que bon nombre de films d’épouvante.


-Les trop nombreuses scènes de danses, comme dit plus haut. Qui ont leur utilité, mais semble se répéter un peu trop pour rien. Idem pour les pieds qui tremblent, on a compris...
Alors que les scènes de nudité par exemple, sont tout aussi nombreuses mais arrivent à apporter quelque chose de nouveau à chaque fois. Et suivent une réelle évolution, justifiant ainsi une scène très difficile (trop difficile…?) en fin de film.


-Une scène de relation sexuelle, que je pense réussir à interpréter mais que je trouve assez maladroite et mal intégrée au récit.


-Le titre. Bon c’est un peu bête de critiquer un tel détail, mais moi je le trouve assez naze. C’est clairement limiter le propos du film. Et ça lui offre un titre banal et un peu bête, en plus d'être générique.


-Un final moins subtil, plus convenu. Mais qui reste censé et qui transmet son lot d’émotions.


-Une ambiance volontairement très pesante et parfaitement maîtrisée. Pour tout avouer devant le film j’ai du m’arrêter quelques secondes à certains moments parce que j’avais mal au crâne, je tremblais, j’avais la nausée ou je me sentais vraiment mal. Ce n’est bien sûr pas un défaut en soi. Le film transmet des émotions, ils le fait avec pertinence et c’est génial. Mais il faut tout de même avouer que l’expérience est douloureuse, sans concession. Il faut donc y être préparé.
Je maintiens que ce film m’a bien plus troublé que bons nombres de films pourtant plus violents et crus.


Plus j’y pense, plus je me dis que c’est bien que ce film ait fait polémique.
Un film de ce genre, avec ses thématiques, mais qui plait à tout le monde, ne PEUT PAS être bon.
Celui ci n’apporte pas une définition à la transidentité, et il ne cherche pas a le faire.
C’est le portrait d’une jeune fille, avec son identité, sa souffrance, ses problèmes.
Il ne cherche pas à être un symbole, un film exemplaire et éducatif.
Simplement un film, sur une réalité. Pas celle de tout le monde, certes, mais une réalité quand même.
Et si vous souhaitez exclure cette réalité sous prétexte qu’elle ne correspond pas à la vôtre, alors vous devenez exactement ce que vous dites combattre, non ?


C’est un magnifique film. Touchant, beau et profondément humain.
Il est aussi cru, et direct, mais réussit réellement à développer ses thématiques avec justesse et intelligence.
Et je suis heureux que malgré votre dégoût généralisé et le bruit assourdissant que vous vous acharnez à faire partout, vous ne puissiez pas entacher plus que ça les domaines artistiques.
Oui on peut encore faire des films profonds et humains.
Oui on peut encore faire des films forts, qui ne plaisent pas à tout le monde.
Et si vous arrivez à détester le film qui défend le mieux votre cause, alors c’est vous qui êtes une caricature.

Créée

le 10 févr. 2021

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Sacré_vandale

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