Il y a des millénaires, dans une Egypte alternative antique et en toc. Osiris s'apprête à couronner son fils Horus afin qu'il règne comme il l'a fait sur son peuple, avec dévotion, respect et bienveillance. Las, son frangin Seth, éternel jaloux, le tue et arrache les yeux d'Horus qui, privé de sa source de pouvoir, part s'exiler aux confins de la terre plate. Quelques temps plus tard, alors que Seth règne en tyran sur le peuple égyptien, Beck un jeune voleur parvient à voler les yeux d'Horus dans le palais de Seth et à s'enfuir dans le désert après avoir vu sa dulcinée tuée sous ses yeux. Il parvient alors à retrouver le dieu déchu et lui donne un de ses yeux en échange de sa promesse de ressusciter sa bien-aimée. Mais les dieux eux-mêmes sont faillibles et leurs mensonges parfois difficilement avouables...


Bon j'ai tardé à le voir celui-là comme un paquet d'autres films. Deux piges que je me demande s'il vaut le coup de lui sacrifier deux plombes de ma vie. Déjà il faut dire qu'il ne donnait pas envie, ni les images que j'en ai vu, ni l'avis de mes éclaireurs, encore moins le précédent "effort" de Proyas. Prédictions avait beau débuter de la plus belle des manières, il tournait rapidement à la catastrophe (c'est le cas de le dire), piochant à la fois dans la littérature religieuse, les théories pseudo-scientifiques et l'oeuvre de Richard Matheson (la nouvelle Le dernier jour en particulier). Proyas a eu beau, dans ses jeunes années, donner au cinéma fantastique deux véritables pépites du genre (The Crow et Dark City), il y a bien longtemps qu'il n'a plus fait grand chose de génial (I Robot n'était pas vraiment une réussite). Bref, avec son déferlement d'effets numériques, son casting trop occidental pour convaincre, ses emprunts grossiers à la japanime (le film cite notamment St Seiya et DBZ) et ses libertés sacrilèges avec la mythologie égyptienne, le dernier effort du cinéaste avait très peu de chance de séduire les spectateurs, encore moins les détracteurs du réalisateur dont je fais pourtant parti depuis son adaptation d'Asimov. Vendu comme un spectacle visionnaire, Gods of Egypt s'est finalement fait tailler en pièces un peu partout dans le monde, par des légions de critiques aux plumes acérées et pour la plupart biberonnés aux marvelleries et aux Harry Potter. Et les excuses maladroites du réalisateur n'ont pas atténué le four.


Il faut pourtant bien avouer qu'il était plutôt couillu l'ami Proyas. A une époque où le cinéma hollywoodien ne se résume toujours presque qu'à des franchises au long cours, des adaptations de comics et un revival foireux du cinéma des 80's, lui a choisi de s'en détourner pour nous proposer un projet "original" qui, sans chercher l'exactitude historique, réinterprète la mythologie égyptienne en la nourrissant d'idées visuelles et narratives plus (le plateau terrestre, la représentation de l'au-delà, la barque de Râ) ou moins bien trouvées (la taille des dieux, leurs métamorphoses divines façon Chevaliers d'Or ou Transformers...). On pourra évidemment rire ou pleurer de ce trop plein de libertés créatives, fustiger Proyas pour s'éloigner encore plus du génie de ses jeunes années et pleurer des larmes de sang devant le cabotinage de Gerard Butler, Geoffrey Rush et Rufus Sewell.


Il suffira pourtant de faire abstraction du nom du réalisateur, du jeu parfois outré de son (fort joli) casting et des connaissances historiques et mythologiques pour peut-être arriver à discerner derrière cet amas de cinématiques balourdes une volonté de proposer un divertissement aussi original que décérébré, drôle et spectaculaire mais hélas plombé par un acting grotesque et une surenchère numérique et une conversion 3D qui finiront à (court) terme par devenir ridicules. Certes, les chara-designs et le concept de l'antiquité revisitée ne font au final que pomper grossièrement le meilleur de la série vidéoludique God of War à la mode antique égyptienne, l'affiche du film elle-même lorgne clairement sur ce modèle en tentant de séduire toute une génération de gamers (le serpent géant ne peut que rappeller l'Hydre que finit par terrasser Kratos au début du premier jeu). Mais ce n'est pas non plus comme si les deux médiums que sont le cinéma et le jeu vidéo ne s'étaient jamais influencés l'un et l'autre auparavant, pas vrai ?


S'inspirant d'une certaine imagerie issue de la pop culture, Proyas élabore un film d'aventures fantastiques dans l'esprit de succès antérieurs (La momie, Le choc des titans, Pirates des Caraïbes...), et dont les très nombreuses carences narratives se voient heureusement rattrapées par des parti-pris esthétiques intéressants qui permettent par ailleurs au cinéaste de ressasser les figures récurrentes de sa propre filmographie (la Terre plate et les transformations architecturales évoquant Dark City, la tour évoquant celle d'I Robot, la menace de l'apocalypse...). Ne se prenant pas pour autant au sérieux (quoique...), Proyas injecte suffisamment d'exubérance à son film pour interdire toute comparaison avec ses premières oeuvres, la noirceur de celles-ci cédant la place à une candeur et un imaginaire haut en couleur, très proche des films Disney de l'époque bénie d'Aladdin, tout en étant très loin du cynisme de ses péloches précédentes.


Au final, le grand tort de Proyas est d'avoir ignoré les exigences cinématographiques de son époque et d'avoir cru en l'originalité de sa vision sans toujours être capable de la formaliser. Hollywood n'en sort pas grandi, le panthéon égyptien non plus, mais il n'y a quand même pas de quoi hurler à la daube du siècle. Sans autre prétention que de divertir, Gods of Egypt doit se voir pour ce qu'il est, un sympathique nanar surfriqué, bourré d'humour et de générosité, et qui, malgré tous ses défauts, n'a finalement pas grand chose à envier à la flopée de comics books movies souvent tout aussi ringards qui monopolisent continuellement les écrans.

Buddy_Noone
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le 12 sept. 2018

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Buddy_Noone

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