Grâce à dieu les faits sont prescrits.

Il faut bien évidemment aller voir le film de François Ozon.


D’abord parce que c’est un film que nous avons bien failli ne pas voir : jusqu’aux derniers jours de février, l’Eglise aura tenté d’en interdire la sortie en salles.


Ensuite, juste retour du hasard des calendriers, parce que le film sort précisément au moment où Philippe Barbarin vient d’être condamné, lui qui avait prononcé ces mots terribles qui donnent son titre au film : Grâce à dieu les faits sont prescrits.


Enfin, parce que le film de François Ozon est un miracle d’équilibre et de justesse.


Tout cela commence quasiment comme un documentaire (une voix off récite les échanges entre les premiers protagonistes de cette affaire) et peu à peu, une fois que l’on a compris qu’il s’agissait bien de faits réels, soigneusement retranscrits mots pour mots à l’écran, au fur et à mesure que les victimes se déclarent et prennent la parole libérée, le film prend une autre dimension, plus ‘cinéma’ et plus apte à toucher un large public, comme ce fut le cas de l’américain Spotlight.


Il n’est pas très utile de disserter plus longtemps sur cette énième affaire de pédophilie (le mot lui-même nous vaut un intéressant débat dans le film !) dont l’Eglise est coutumière, chacun le sait désormais.


Ce qui intéresse Ozon (et le spectateur) ce n’est d’ailleurs pas tant le principal accusé (le prêtre Bernard Preynat qui sera lui-aussi bientôt rattrapé par la justice ...) mais plutôt Barbarin lui-même, symbole de cette machine ecclésiastique rompue depuis les siècles des siècles à étouffer les scandales et protéger ses membres les plus criminels.


Le film s’ouvre et se ferme d’ailleurs sur une image de cette imposante et écrasante basilique de Fourvière, familière du paysage des lyonnais : l’église et l’Eglise (avec et sans majuscule) dominent (au propre comme au figuré) la ville de Lyon et la vie des lyonnais. Le message est on ne peut plus clair.


Philippe Barbarin vient tout juste (le 7 mars) d’être condamné par le tribunal correctionnel de Lyon à six mois de prison avec sursis pour ne pas avoir dénoncé les mauvais traitements que Bernard Preynat infligeait aux enfants.
Le parquet lyonnais n’avait requis aucune peine ! Barbarin a fait appel.
Après 2001 et 2018, c’est la troisième condamnation de ce type, la première pour un poste aussi élevé dans la hiérarchie catholique.


En parallèle, celui qui était le plus haut responsable de l’Eglise française vient également de présenter au pape sa démission de sa charge d’archevêque, évitant sans doute ainsi un procès canonique au sein de l’Eglise. Il restera sans doute cardinal.


Bernard Preynat devrait être jugé un jour ou l’autre. L’instruction est en cours, il a reconnu les faits.


Le site de l’association La Parole Libérée.

BMR
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le 17 mars 2019

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