Grâce à Dieu est un film poignant, revenant sur le drame de la pédocriminalité au sein de l'Église catholique lyonnaise. Inspiré de faits réels et d'une brulante actualité, il permet malgré tout de prendre un certain recul sur tous ces événements qui nous semblent pourtant si familiers.


Il ne s'agit pas d'une croisade pour dénoncer les méfaits du Père Preynat, et la passivité du cardinal Barbarin. Il s'agit avant tout d'expliquer et de sonder les coeurs de toutes ces personnes meurtries. Et cela reste dans la tendance de l'association fondée par les victimes, à savoir de libérer la parole. Avec ce lourd sujet, François Ozon n'en oublie pas pour autant de faire du cinéma et d'être créatif.


Ainsi, le début du filme relate la correspondance d'Alexandre Guérin, banquier et ancienne victime du prédateur, interprété par un sobre Melvil Poupaud, avec la psychologue du diocèse, Régine Marie. Ce procédé, en plus d'être très précis sur les mots employés, permet de voir à quel point le domaine spirituel de l'Eglise vit dans un autre temps que le monde contemporain. En effet, en apprenant le retour de Preynat dans le diocèse de Lyon, Alexandre prend sa plume pour écrire à sa hiérarchie. Geste quelque peu éculé de nos jours. Mais au travers de toutes ces lettres lues par les comédiens pendant que l'action se déroule à l'écran, on peut entrer dans ce monde à notre rythme et comprendre assez rapidement à quel point l'Eglise est sclérosée.


En dehors de l'aspect épistolaire de la chose, ce film dresse un fabuleux portrait de chaque personnage. On sonde leurs émotions, leurs craintes, leurs traumatismes, leurs remords parfois. Et on observe comment chacun va gérer les choses. Denis Menochet dans le rôle de François Debord propose une palette absolument stupéfiante. Certains donc voudront simplement que le père Preynat soit révoqué de l'Eglise, d'autres voudront qu'il soit puni par la justice des hommes, tandis que d'autres voudront mener le fer directement contre l'Eglise catholique romaine.


Le sujet est grave, lourd, mais cela n'empêche pas quelques touches de légèreté et des décalages. Notamment par des provocations anticléricales bien senties. Mais d'autres séquences montrant un décalage peuvent parfois troubler (montrer des photos de son sexe à son avocate), mais justement, cela illustre un traumatisme.


Cette légèreté contraste fortement avec les scènes qui se déroulent dans le passé et qui montrent avec pudeur les agissements criminels de l'ecclésiastique. On ne voit rien mais on devine, ce qui est encore pire. Ce procédé est très subtile.


Certains plans semblent parfois directement sortis d'un tableau, le cadre étant souvent à l'intérieur, cela aide à capter des choses. La présence du crucifix à l'écran permet également d'en interroger le sens, et d'interroger la foi. En effet, comment croire en ce Dieu qui est amour quand ses plus fidèles serviteurs répandent le mal et le pêché ?


Evidemment, Jésus disait "Laissez venir à moi les petits enfants.", car leur innocence et leur pureté permettaient d'entrer dans le Royaume de Dieu. Il est temps que les prêtres qui récitent ces évangiles les appliquent en préservant l'innocence de ces enfants !

Andika
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le 24 mars 2019

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