Qu'est-ce qui fait que l'on ressort de ce film avec un cœur gonflé de reconnaissance et de tendresse ? Certainement pas l'originalité du sujet , certes inspiré (encore une fois) d'une histoire vraie..non , ce road -movie "initiatique" dans le Sud des États Unis durant la tournée d'un musicien noir, raffiné et dandy, conduit par un chauffeur blanc gros bras plutôt rustique et inculte n'a rien de vraiment nouveau , c'est même une recette un peu éculée : les duos et tandems de gens mal assortis contraints de cohabiter et finissant par s'enrichir l'un l'autre sont légions au cinéma. Çà marche presque toujours et là aussi ça fonctionne bien, très bien même. Que ce voyage ait lieu dans les années 60 (années Kennedy) et nous rappelle , parfois avec brutalité que la Ségrégation y était encore une pratique active, est déjà une source d’ébranlement (on oublie si facilement les choses dérangeantes).. Que le rapport Maitre-Valet /Cultivé-Beotien/Noir-Blanc) soit inversé par rapport à l'habituelle répartition des cartes sociales, est aussi une source de décalage savoureux. Que ce voyage nous donne à voir les beaux paysages et les belles résidences coloniales du Sud, ajoute au charme du voyage, mais là encore tout est d'un grand classicisme dans la narration et la prise de vue. Rien ne nous surprend vraiment, pas même les "accidents" musclés et les humiliations que doit accepter de subir le musicien célèbre pour exercer son talent (par ailleurs reconnu) .Non, ce qui arrête la pensée et crée la stupeur rétrospectivement, c'est ce "Green Book" lui-même qui entérine cette segregation ouverte strictement réglementée et banalisée. Mais Ce qui étonne le plus et nous attache à ce film, ce sont ses interprètes : FORMIDABLES ! Vigo Mortensen tel qu'on ne l'a jamais vu, à la fois puissant et fragile, drôle et fin jusque dans ses excès de grossièreté. A ses cotes Mahersala Ali, tout en élégance et en souffrance retenue brise lentement mais surement le mur de glace qui le sépare de son compagnon de voyage et touche le spectateur en plein cœur, notamment au cours d'une scène ou il sort de la voiture sous la pluie pour crier sa solitude.Tendres et drôles aussi les moments ou le musicien tel un nouveau Cyrano, dicte les lettres que Tony écrit à sa femme. Au dessus de tout cela, plane la Musique, ce langage qui relie des êtres si différents et leur octroie une possible redemption. Beau voyage en terre d'humanité avec ses violences, ses insupportables injustices et ses irremplaçables liens d'amour et d'amitié.

LADYA
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le 23 janv. 2019

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LADYA

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