Merde, c'est pas la suite de Green Card !

J'avais adoré le film à sa sortie, je révise aujourd'hui mon jugement après revisionnage (la première fois, c'était au cinéma, la seconde, dans mon canapé, les couilles à l'air).


Je dis toujours : seul Greengrass est capable de surdécouper l'action convenablement, sans rien faire perdre de ce que l'on est censé voir. C'est là qu'on s'aperçoit que je dis vraiment beaucoup de bêtises. Parfois je me demande même pourquoi on écoute mes conseils. Bon, Greengrass n'est quand même pas le pire dans cette catégorie du surdécoupage, mais il n'est pas parfait non plus.


En témoigne ce film, dont le début est vraiment très indigeste, voire presque complètement irregardable. On démarre dans le feu de l'action, on ne comprend que très vaguement ce qu'il se passe et ça dure 10 bonnes minutes ainsi. Un personnage se sert un café, holalala vite ça doit trembler partout comme si on venait d'enclencher la troisième guerre mondiale. On est dans une voiture, alors secouons dix fois plus la caméra, parce qu'il FAUT que le spectateur ait l'impression d'être dans la voiture, sautant au rythme des nids de poule. Après, ces 10 minutes, si vous avez survécu, si vous n'êtes pas parti à la salle de bain pour frotter le petit déjeuner régurgité sur votre beau pyjama en flanelle , alors vous êtes plus ou moins tranquille pour 1h20. Non pas que Greengrass aura laissé un stagiaire fan Hanneke continuer son film avant de revenir pour l'hécatombe finale, juste que le bougre filme autre chose que de l'action, et même quand la tension monte, il évite d'en faire trop : conséquence, c'est plus posé et là, malgré un surdécoupage toujours présent, on voit un peu mieux ce qu'il se passe. De plus, ses plans, sans être esthétiquement irréprochables, ont au moins le mérite d'être évidents : on voit directement ce qu'il se passe. Un fusil tombe par terre et glisse sous un lit, ça lui prend trois plans pour 'ça', mais les trois points de vue ne laisse aucun doute quant à ce qu'on voit. Il reste bien sûr quelques points de vue moins favorables à l'action, et surtout un énorme surplus de plans inutiles, mais il se calme, on a même quelques plans qui durent plus de 5 secondes (à mon avis, il devait filmer sans s'en rendre compte). Sur la fin, donc, comme dit plus haut, ça recommence. Si bien que Greengrass flingue toute la tension qu'il avait si habilement contrôlée jusque là. La course poursuite est juste incompréhensible, on ne se situe absolument jamais (déjà de manière générale, il a dû mal à situer dans l'espace, mais là, avec tous les personnages, toutes les actions en parallèle, et son envie incontrôlable de branler sa caméra, c'est juste le summum du film en terme de médiocrité), les effets spéciaux sont un peu trop ambitieux du coup c'est assez moche de voir ces hélicoptères en flamme et autres explosions qui se veulent réalistes. Le bon point, c'est d'avoir des décors naturels (tourné au Maroc) assez sympas, de quoi maintenir l'illusion d'y être sans avoir recours à du studio (évidemment, on jour avec les images habituelles, celles qu'on nous montre à la télé pour dépeindre la misère 'évidente' du pays). Les acteurs sont plutôt bons : apparemment, il y a pas mal de vrais soldats ayant participé au projet, devant et derrière la caméra. Ce qui est un peu étrange quand on voit les bonus du film (parce que oui, j'ai acheté le film), c'est de voir que Damon semble diriger tout le monde sur le plateau, pendant que Greengrass regarde. C'est un peu dommage de le voir aussi omniprésent. Ou alors ce sont les réalisateurs des featurettes qui ont décidé de le mettre en avant pour mieux vendre le film, je ne sais pas, mais il ne se passe pas une minute sans qu'on parle de l'acteur en bien. Soit. En tous cas, les acteurs sont bons et mes doutes des premières minutes quand il donne ses ordre se sont vite évanouis. La musique est sympathique, elle appuie là où il faut, permet de mieux jouer avec la tension.


Je dois dire que le héros reaganien me manque. Sly tente de le réhabiliter ("Rambo 4" et la trilogie "The Expendables"), mais hormis cela, les films de Tom Cruise et quelques séries B sorties directement en DVD, il manque au cinéma mainstream de quoi se fendre la pêche correctement. Parce que bon, cette histoire se veut un peu trop noble sans trop salir les autres. Ici on a la structure du film reaganien, à part peut-être un manque de vrai méchant chez les Irakiens, mais ce qui déçoit, c'est que le héros ne botte le cul à personne. Cela peut paraître puéril, mais au final, le film reste anecdotique. On se dit : ha oui, salauds de bureaucrates, salauds de politicards... et puis quoi ? bah rien, la vérité éclate et tout le monde est content. Surtout qu'on a une bonne petite morale citée par un irakien : " ce n'est pas à vous de décider ce qui est bon pour notre pays". Un peu expéditif et concis, on pourrai développer, mais en soi oui, c'est vrai, c'est beau. Mais merde, je suis aussi là pour m'amuser. Pourquoi faire un film de guerre, pourquoi monter des scènes de tension si c'est au final faire un film tout gentil. Je demandais pas le massacre. Ni même la mort des supérieurs... mais dans "First Blood" les auteurs ont prouvé qu'on pouvait faire une série B très classique tout en ayant un message 'noble'. Ainsi donc, d'une manière ou d'une autre, il aurait été sympathique d'avoir le petit Will Hunting foutre une raclée au méchant binoclard. M'enfin, tout ça pour dire que le scénario est un peu faible. On a bien des conflits qui sont assez forts, mais au fur et à mesure qu'on avance dans l'intrigue, on se rend compte que l'ennemi qui tire les ficelles, bien qu'identifié, n'est pas la cible du héros, que l'objectif est tout autre et que cet adversaire n'agit que collatéralement. Mais si l'ennemi n'a pas tellement d'importance, alors pourquoi les conflits en auraient-ils ? Ils ne sont plus que des batons dans les roues et non un danger pour le héros. D'ailleurs, à la fin, la confrontation entre Damon et le sbire du mec au costard est ultra décevante ; leur première altercation laissait présager un règlement de compte final plus musclé. Il y a même plusieurs moments où le méchant soldat choisit de ne pas le tuer... alors qu'il aurait pu (et que ça fait d'ailleurs partie de l'ordre flou qu'il a reçu)... du coup, on ne comprend pas. La fin est mal amenée aussi. On la devine aisément, déjà. Mais surtout, et ça participe de l'incompréhensibilité de la scène d'action finale, on ne sait pas trop comment les personnages arrivent à se repérer, du moins en ce qui concerne le héros et son Freddy. C'est le gros bordel, ce sont les seuls à ne pas avoir de micros, mais ils se repèrent, ils font systématiquement les bons choix. Le lieu n'est pas propice à rendre ce dénouement crédible. Et puis, vu qu'il se passe plein de choses en même temps, ça ne fait que renforcer l'attention sur ce qui ne va pas (car souvent, mettre plein de récits en parallèle permet de glisser l'une ou l'autre facilité narrative sans que le spectateur ne s'en rende trop compte, submergé qu'il est par toutes ces informations, toutes ces sous-intrigues). Les personnages sont fort peu construits. C'est souvent le cas lorsque des scénaristes adaptent un fait réel : on veut rester réel, alors on en dit le moins possible sur le personnage. Je ne parle pas de background historique, ça c'est souvent inutile à une histoire, non je parle bien de traits de caractère qui feront que dans telle situation donnée, tel personnage agira de la sorte mais tel autre agira autrement. Ici, on ne se pose jamais la question. Seul le héros est un petit peu caractérisé par sa curiosité et sa bravoure mais c'est un peu faible, n'est-ce pas ?


Malgré tous ces défauts, je dois tout de même admettre que ça se regarde assez bien, assez facilement. Greengrass fait monter la tension, il y a du mystère, des conflits (même s'ils ne paraissent jamais énormes, ils sont suffisant pour créer du suspenses, des attentes), de nombreux personnages dont on doute longtemps de leur fonction et ce n'est qu'à la fin qu'on se dit : ha, tout ça pour ça. Donc oui, la fin est décevante, le début est irritant, mais on a quand même 1h20 de film correct, où on ne s'ennuie pas, où l'on projette des attentes, des envies, où l'on se régale de quelques situations épineuses bien trouvées.


Bref, "Green Zone" n'est certainement pas le chef d'oeuvre qui résidait dans mes souvenirs, mais demeure un divertissement honorable malgré des défauts évidents.

Fatpooper
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le 10 avr. 2016

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