Névrose Bonbon

C'est sous la quadruple casquette de réalisatrices, actrices, scénaristes et productrices que Jocelyn DeBoer et Dawn Luebbe nous proposent cet étrange film qu'est Greener Grass adaptation en long métrage de leur court éponyme sorti 4 ans plus tôt. Greener Grass est une comédie surréaliste et étrange qui prend pour cadre une petite banlieue pavillonnaire américaine bien proprette dans laquelle la quête de perfection et le regard de l'autre finiront par prendre des airs de cauchemar acidulé.

Greener Grass c'est l'histoire de Jill et Lissa deux desperate housewives, voisines et amies du même quartier propre et lisse d'une banlieue idyllique. Tout bascule lorsque Jill offre son nouveau-né à Lisa et qu'un tueur rôde dans le quartier. Lentement Jill sombre alors dans l'angoisse et la névrose.

Greener Grass est un premier film singulier et sympathique qui propose en premier lieu un univers visuellement très réussi qui va nous plonger dans un monde cotonneux et ouaté avec ses couleurs pastels, ses images douces et lumineuses, ses personnages toujours aimables et avenants et ses costumes bien propres et colorés. Il y-a dans l'air comme le parfum acidulée et écœurant d'une douce et inquiétante perfection à laquelle les personnages semblent autant adhérer que se soumettre pour se conformer à ce moule et modèle de paradis terrestre. Cet aspect visuel très marqué, cette ambiance un peu fantastique d'enfer acidulé est une des grande force du film dans lequel la réalité va pouvoir totalement vrillé puisque la normalité devient l'anormalité. Tout peut arriver car jamais les personnages ne s'offusquent et s'interrogent préférant toujours garder la face et l'apparence trop aimable d'un bonheur superficielle y compris devant les situations les plus incongrues. C'est cette douce amabilité souriante qui pousse parfois les gens à manger par terre lorsque les serveurs maladroits renversent leurs plats dans un restaurant , c'est cette gentillesse dégoulinante qui donne envie d'offrir son bébé à celle qui le trouvera trop choupinet , c'est cette quête de perfection qui pousse cet habitant à l'obsession de la propreté de l'eau de sa piscine allant jusqu'à en faire sa boisson favorite ... Dans l'univers de Greener Grass tout devient possible et c'est peut être ça le plus effrayant; les petits garçon deviennent des chiens, on accouche d'un ballon de football et l'on sombre dans la névrose et la paranoïa lorsque les repères s'effondrent. Il y-a un peu de Twin Peaks et de David Lynch dans Greener Grass, cette même étrangeté qui fait basculer un monde à priori tranquille en un doux cauchemar.

Si Greener Grass propose un véritable univers et que son étrangeté amuse presque aussi souvent qu'elle inquiète , le film souffre aussi de quelques problème d'écriture qui limite parfois le long métrage à un exercice de style et une chronique de l'anormalité ordinaire. Il manque peut être à Greener Grass une intrigue plus forte susceptible de porter son univers dans récit structuré du début à la fin. Toute l'histoire autour du tueur rôdant dans cette banlieue n'a par exemple pas trop d'importance dans le film qui donne parfois la sensation d'être un collage de séquences surréalistes dont le lien reste les personnages. Sur la longueur, une fois la petite musique étrange du film assimilée et digérée Greener Grass pourra alors sembler plus ennuyeux et parfois même par instants un peu artificiel .

Au final Greener Grass reste un premier film très réussi et original, un film suffisamment singulier pour donner envie d'attendre le prochain projet de Jocelyn DeBoer et Dawn Luebbe avec impatience.