En 2011 s'achève la saga Harry Potter après une décennie de bons et loyaux services. Quoiqu'on en dise et avant de rentrer dans le vif du sujet et de s'attarder sur le dernier opus (toujours signé David Yates, dorénavant maître d'exécution de toutes les productions signées Rowling), rendons hommage à cette saga qui a su captiver un public sur une si grande échelle de temps, et grandir avec lui. L'empreinte d'Harry Potter, compris comme monument pop-culturel, sur le début du millénaire restera dans l'Histoire du cinéma. Notons aussi le tour de force d'avoir conserver le même casting sur dix ans : Harry Potter, c'est Boyhood, ou presque !
Néanmoins, tout n'est pas parfait au Royaume des Sorciers : témoin de l'évolution de l'industrie hollywoodien vers un licence system de plus en plus écrasant et calibré, Harry n'a pas échappé aux foirages bien sales (notamment sur les épisodes 4 et 5). Alors, comment la saga a-t-elle finie ? Les Reliques de la Mort seconde partie ont-elles été à la hauteur du feu d'artifices final attendu par tous les fans ?


Me voilà bien embêté pour répondre, parce que là tout de suite, tout ce qui me vient à l'esprit, c'est : « ouais c'était bien ». Ça nous fait une belle jambe. Plus exactement, le film est efficace, et il remplit son cahier des charges de manière convaincante, mais il est loin de la puissance d'émerveillement magique des premiers. Bon, il faut dire que – cet avis n'engage que moi – Harry n'est jamais aussi bien que quand il est élève à Poudlard. Quand la saga part dans des considérations plus sombres, de blockbuster « classique », j'ai tendance à être moins séduit. Or, ce dernier opus n'est qu'une gigantesque bataille : fini le road-trip un peu vide de la première partie, ici on prend possession de Poudlard et on se bat à mort. Reste que la « Bataille de Poudlard », parcourue d'idées de mise en scène qui empruntent à différentes façons de filmer la guerre (Seconde Guerre Mondiale, guerre fantasy à la Narnia...), offre son lot de spectacles gros budget, et il n'y a pas grand-chose à redire là-dessus. De toute façon, dans ce qu'il entreprend, le film est difficilement critiquable : Yates ne fait que peu d'erreurs – en même temps, il prend très peu de risques.

Ce qui est plus intéressant, justement, c'est d'en tirer un bilan sur le réalisateur, ce qui nous intéresse plus particulièrement vu que David Yates devrait piloter au minimum trois films des Animaux Fantastiques, sauf accident commercial d'envergure (ce qui est peu probable, vu la fan-base du bousin). Et ça tombe bien, ce film est un concentré de ce que sait ou ne sait pas faire Yates. Et je veux pour cela prendre la pire et la meilleure scène du film.
La pire, d'abord : le gros raté de ce dernier volet, c'est la mort de Voldemort. C'est bête, hein, huit films, dix ans, pour voir le Seigneur des Ténèbres partir en confettis – littéralement – après avoir été désarmé... Au-delà de ça, la scène est ridicule tellement elle est plate, vidée de tout charisme. Après la mort de Sirius totalement ratée – et si on ajoute celle de Dobby, de Bellatrix, et d'autres – on voit que Yates ne sait pas faire des morts épiques. En revanche, il est bien plus attentif aux morts plus intimistes (celle de Dumbledore n'avait pas à être épique), à l'image de la mort de Rogue, qu'on devine à travers une vitre ; et surtout celle de Lupin et Tonks, sur un plan unique, qui en dit bien plus en quelques secondes que le ralenti lourdingue aux gros sabots sur Voldemort lorsque le gus part en fumée.


Quant au tour de force du film, il ne réside pas tant dans l'action et la bataille de Poudlard, que dans la séquence de la Pensine de Rogue : en un montage de quelques minutes, à travers les souvenirs du professeur de potions, c'est toute la saga qui prend un sens nouveau. Ce montage, parfait en tout point, remplit plein de fonctions à la fois : celle de raconter le drame d'un personnage sans un mot, celle de dévoiler sans lourdeur la fin de l'intrigue, et celle, la plus belle, de dire adieu à la saga en même temps qu'on dit adieu à Rogue (le montage reprend des images des huit films, comme un best-of dramatique, aidant le spectateur à faire son deuil de la saga qui l'a vu grandir).
Que penser donc de David Yates ? D'abord que c'est avant tout un homme qui s'intéresse aux personnages, et qui sait les développer rien qu'à travers une mise en scène intelligente. Quand le montage ou le scénario ne lui laisse guère la possibilité de s'intéresser aux personnages, les films se cassent la gueule (le 5). Ensuite, qu'il est parfaitement capable de maîtriser un film d'action d'ampleur, mais que cela reste peu imaginatif et très convenu. Enfin, que l'épique n'est pas son fort, et que c'est là où il se vautre le plus salement.


Ainsi s'achève cette rétrospective, et à l'image d'Harry Potter dans cet opus, la saga semble bien repartie pour renaître – sous une différente forme certes, en espérant que ces films ne soient pas marquées par La Marque des Ténèbres d'Hollywood (car on sait tous que les producteurs de Warner sont des Mangemorts...). Enfin, tant qu'ils ne rappellent pas Mike Newell (aka le-réalisateur-de-la-coupe-de-feu-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom), ça devrait aller.

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le 25 oct. 2016

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Cyprien Caddeo

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