Henry V
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Henry V

Film de Kenneth Branagh (1989)

Convaincu par ses conseillers que le royaume de France lui revient légitimement, le roi d’Angleterre Henry V (Kenneth Branagh) part à sa conquête. Mais lui et ses hommes traversent de dures épreuves qui affectent durement leur moral, alors même que leur plus grande bataille se trouve encore devant eux. Car le roi de France (Paul Scofield) et son armée les attendent de pied ferme à Azincourt…


Pour son premier film, Branagh ne choisit pas la voie de la facilité, puisqu’il se lance dans sa première adaptation shakespearienne. S’entourant d’un casting britannique de premier ordre, c’est avec brio qu’il parvient à faire revivre le texte de Shakespeare devant sa caméra, malgré un aspect théâtral parfois trop prononcé. Si un budget limité l’oblige à adopter une mise en scène sobre, voire austère, qui manque d’ampleur, telle la scène de la bataille d’Azincourt, lors de laquelle on voudrait constamment élargir les bords de l’écran afin de voir ce qui se passe à côté, il parvient néanmoins à restituer toute la substance de la pièce originelle, conservant son texte puissant et écrit - bien évidemment - d’une main de maître.
Le principal défaut du film (peut-être davantage imputable à Shakespeare qu’à Branagh : je n'ai pas lu la pièce originelle), c’est de laisser passer au second plan toutes les intrigues individuelles, empêchant de s’attacher pleinement aux personnages secondaires, qu’on ne suit par conséquent que par intermittence.
Cela n’interdit nullement le spectateur de goûter avec un plaisir non dissimulé l’immense texte de Shakespeare, magnifié par la splendide musique symphonique de Patrick Doyle, au sommet de son art (d'autant qu'elle est interprétée par le City of Birmingham Orchestra, dirigé par le grand Simon Rattle). Ainsi, il est proprement impossible de ne pas vibrer lorsqu'on arrive à certains (somptueux) morceaux de bravoure, comme le discours de la Saint-Crépin (à lire ci-dessous), sommet de théâtre, qui devient ici un sommet de cinéma, après lequel on n’a plus qu’une envie : partir se battre aux côtés d’Henry V et de ses valeureux soldats. Dommage que ce soit du côté anglais…


A LIRE EN ECOUTANT CETTE MUSIQUE : https://www.youtube.com/watch?v=a-dR8HD45qs#t=2m11s



Westmoreland : Oh ! que n’avons-nous ici pour le moment dix mille de ces hommes d’Angleterre, qui ne font rien aujourd’hui !



Le Roi Henry : Qui donc émet ce vœu ? Mon cousin Westmoreland ! Non, mon beau cousin : si nous sommes marqués pour mourir, nous sommes assez pour le désastre de notre patrie ; et si nous survivons, moins nous serons, plus grande sera la part d’honneur.
Vive Dieu ! je t’en prie, ne souhaite pas un homme de plus. Par Jupiter ! je n’ai pas la cupidité de l’or, et peu m’importe qu’on vive à mes frais ; je ne suis pas désolé que d’autres usent mes habits ; ces choses extérieures ne comptent guère dans mes désirs ; mais, si c’est un péché de convoiter l’honneur, je suis le plus coupable des vivants.
Non, ma foi, mon petit cousin, ne souhaite pas un Anglais de plus. Jour de Dieu ! je ne voudrais pas perdre d’un si grand honneur ce qu’il en faudrait partager avec un homme de plus ; non, pour les plus belles promesses de l’avenir ! Oh ! n’en souhaite pas un de plus, Westmoreland. Fais plutôt proclamer dans nos rangs que celui qui n’est pas en appétit de combattre peut partir : il lui sera délivré un passe-port, et remis de l’argent pour le voyage. Nous ne voudrions pas mourir en compagnie d’un homme qui a peur d’être notre camarade de mort.
Ce jour est appelé la fête de saint Crépin : celui qui aura survécu à cette journée et sera rentré chez lui sain et sauf, se redressera sur ses talons chaque fois qu’on parlera de ce jour, et se grandira au seul nom de saint Crépin.
Celui qui aura vu cette journée et atteint un grand âge, chaque année, à la veille de cette fête, traitera ses amis et dira : "C’est demain la Saint-Crépin !" Alors, il retroussera sa manche et montrera ses cicatrices.
Le vieillard oublie ; mais il aura tout oublié qu’il se rappellera encore avec emphase ses exploits dans cette journée. Alors nos noms, familiers à toutes les bouches comme des mots de ménage, le roi Harry, Bedford, Exeter, Warwick, Talbot, Salisbury et Glocester, retentiront fraîchement au choc des coupes écumantes.
Le bonhomme apprendra cette histoire à son fils. Et la Saint-Crépin ne reviendra jamais, d’aujourd’hui à la fin du monde, sans qu’on se souvienne de nous, de notre petite bande, de notre heureuse petite bande de frères ! Car celui qui aujourd’hui versera son sang avec moi sera mon frère ; si vile que soit sa condition, ce jour l’anoblira.
Et les gentilshommes aujourd’hui dans leur lit en Angleterre regarderont comme une malédiction de ne pas s’être trouvés ici, et feront bon marché de leur noblesse, quand ils entendront parler l’un de ceux qui auront combattu avec nous au jour de la Saint-Crépin !



Henry V, Acte IV, scène III, William Shakespeare, trad. Victor Hugo


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le 1 avr. 2017

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Tonto

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