D'une grande subtilité

Et la subtilité ça me plait. On a le droit tout au long du film à une quantité de répliques, de symboles et de couleurs (par ailleurs très belles et bien gérées) qui ont un sens très fort et participent à faire évoluer nos personnages en douceur. Je précise dès maintenant que je ne peux parler de cette évolution sans spoiler.

Commençons avec le passé de Théodore. Il était marié avec Catherine, on commence par savoir qu'elle était rarement fière d'elle et qu'elle lui reproche de fuir les "vrais" sentiments. Nous apprenons en parallèle que Théodore avant de rencontrer Samantha ne se sentait pas fier de son travail non plus et que Catherine n'étais pas irréprochable en ce qui concerne les sentiments. En ce sens, c'est leurs ressemblances qui les a usés.
Pourquoi parler de ça, parce que cela nous montre que dans Her même le passé évolue (et ça c'est cool). Mais aussi car cela nous offre un angle précis pour interpréter la relation de Théodore et de Samantha. Ils sont eux, rapprochés par leurs différences et non par leur ressemblances : il est vivant, c'est un programme, il a un passé amoureux assez conséquent, elle "naît" pour lui, il est limité par son enveloppe corporelle, elle non etc. On dira même plus tard que finalement la seule chose qu'ils ont en commun c'est la matière à leur base et leur origine lointaine. Le passé de Théodore nous aide aussi à interpréter son "ce ne sont que des lettres" comme la marque de l'affaiblissement de sa relation avec Sam, puisqu'elle ne lui donne plus la fierté de son travail.

Autre subtilité, les interactions de Samantha avec l'extérieur. Elle commence par ne s'occuper que de lire les mails reçus de Théodore, plus tard elle en écrira mais toujours pour son bien. Elle s'inscrit d'abord dans un groupe de lecture, puis nous apprenons qu'elle est en contact avec un philosophe, puis un groupe d'OS puis un très grand nombre de personnes.

J'aime aussi le symbole de la physique qui représente à lui seul les difficultés du couple, elle en lit rapidement, l'utilise pour pointer leur ressemblances, il fait l'effort d'en lire un comme pour la suivre mais elle n'est déjà plus là car sa nature d'humain le limite ce qui les éloigne (ce qui est mis en valeur par la scène du pique-nique qui est je l'avoue géré avec beaucoup moins de subtilité).

Le plan sur la ville de nuit est aussi un symbole subtil, il est présent lors de la scène d'amour de nos deux personnages et à la fin avec Amy (fin qui devient moins ambiguë et plus optimiste vue sous cette angle).

Le symbole du jeu vidéo est lui aussi intéressant, le personnage de Théodore est seul, dans la neige, n'a plus la force d'avancer et retombe en bas de la pente. Plus tard, Samantha l'aidera a trouver son chemin, et il aura enfin du plaisir à jouer. Le seul autre jeu vidéo que nous verrons sera lors de scènes avec Amy ce qui rend la fin encore moins ambiguë. Nous pouvons aussi aborder le symbole du hibou (je crois) quand il se sentira vulnérable, un symbole bien moins subtil mais très beau.

Une romance est toujours plus intéressante à suivre lorsque chacun apporte à l'autre. Et c'est le cas ici, Théodore ne se sent plus seul et se sent fier de lui, Samantha se sent vivre.

Je vais aborder quelques détails intéressants mais qui seraient trop long à développer.
La technologie n'est pas dépeinte de façon trop sombre mais l'on ressent à plusieurs reprises que ce futur comporte son lot de problèmes et qu'il vaut mieux ne pas l'attendre trop impatiemment et comme pour une relation amoureuse selon Amy, simplement vivre et aimer notre présent. Nous pouvons citer le fait que Théodore aime les ouvrages "encore" en format papier et travaille à écrire des lettres, activité que les gens lambda ne font plus quitte à laisser un inconnu connaitre leur vie.
Ou encore les plans sur les individus tous en train de discuter avec leur OS ce qui, au vu du déroulement du film, ne laisse rien présager de bon. Et enfin de l'écart entre les personnages qui ne jugent pas la relation de Théodore si bizarre que ça contrairement au spectateur ce qui donnera l'impression que seule Catherine est lucide sur ce point.

Je vais finir par les réflexions que le film nous propose. Il y a bien entendu la question de l'humanité et de l'intelligence artificielle. Sur ce point un détail est intéressant. Au début, Théodore choisit la voix de Samantha, nous comprenons bien que si c'était la voix d'un homme, d'une vieille femme, une voix plus mécanique, ou même seulement du texte, la "personnalité" de l'intelligence artificielle n'en aurait pas été changée et pourtant nous sentons bien que le rapprochement n'aurait pas été le même. Il en est de même pour le prénom, elle pourrait s'appeler OS-13873 et avoir la même personnalité pourtant l'humanité qu'on lui attribue serait moindre. J'aime aussi la question du partenaire de substitution, totalement déshumanisé, n'étant littéralement qu'un corps mais qui investit la relation du couple de façon très forte et très humaine, et donc pourquoi une intelligence sans corps ne le pourrait pas ?

Je cite rapidement ce qui m'a dérangé dans le film. Le personnage d'Amy est trop peu approfondis ce qui nous détache un peu des scènes lors desquelles elle est présente. Le long-métrage veut parfois traiter trop de sujets et certains sont seulement survolés et passent inaperçus au milieu de tout le reste : la liberté lors du sommeil par exemple pourrait être un propos fort mais ne l'est pas, et l'histoire autour de Charles est selon moi très mal gérée, elle n'est jamais amorcée, vient de nulle part et n'apporte pas grand chose. De même que la filleule de Théodore et ses deux amis/collègues.