Une bonne idée suffit-elle à faire un bon film? La question mérite d'être posé pour un medium qui se crée autour de pitch souvent réduit à leur plus simple expression (la légende veut que Cameron ait présenté Titanic comme "Roméo et Juliette sur un bateau"... Peut-être a-t-il présenté Avatar comme "Pocahontas chez les schtroumphs). En l’occurrence, l'idée de départ de Her est à la fois simple et géniale. Une histoire d'amour entre un homme et une machine, une sorte d'évolution 2.0 du mythe de Pygmalion (la première partie du mythe, en tout cas). Et la flatteuse réputation de Spike Jonze laisse présager du meilleur, le bonhomme s'étant fait connaitre pour son univers à la fois onirique et décalé.
Dans les faits, Her est une réussite, qui parvient à développer l'empathie à la fois pour son personnage principal un peu loser, et pour sa contrepartie désincarnée. A la fois émouvant, tendre et drôle, le film rend crédible cette relation si particulière. Joaquin Phoenix est excellent, d'autant que la mise en scène repose en grande partie sur ses épaules, littéralement. L'affiche est en ce sens révélatrice, puisque la caméra de Jonze suit son personnage au plus près, et les cadrages sont souvent similaires. Un tour de force qui s’essouffle un peu sur la dernière partie, c'est le reproche principal qu'on peut adresser au film, l'histoire finissant par devenir, sinon redondante, en tout cas moins prenante.
Mais le tour de force de Her, c'est bien elle, justement, c'est Scarlett Johansson, qui prête sa voix, à défaut de ses traits, à Samantha. Un pari osé, surtout quand on connait la capacité de la belle à enflammer la pellicule de ses courbes. Sans apparaitre à l'écran, elle parvient malgré tout à donner corps à l'IA, sa voix à la fois expressive et presque charnelle emplissant sans peine l'espace, au point qu'on imagine presque sa présence tout au long du film. Un défaut pour certains, qui n'arriveront sans doute pas à dissocier ce timbre si particulier de ce sourire mutin bien connu des cinéphiles, une qualité pour d'autres qui s'extasieront de la performance vocale de l'actrice.
Simple et beau à la fois, décalé et en même temps terriblement lucide sur la dématérialisation de notre époque, Her est une comédie romantique très particulière, qui parvient à serrer la gorge du spectateur sans jamais rien montrer. Intelligemment construit, il souffre de quelques longueurs sur la fin, et d'un final un peu trop attendu, mais néanmoins réussi. Une bonne surprise qui n'en est pas vraiment une.