Le dernier Spike Jones, comme toujours, relève un certain nombre de défis. Cette fois-ci, avec quelques succès.
Spike Jone, tout comme Gondry, c’est le genre de cinéma de clipeurs qui cherche plus la confrontation (dépassement par le style), plutôt que la proposition (au sens artistique du terme). En cela, les compères trouvaient avec Kaufman une espèce de challenger qui leur proposait des scenarii tous prétendument plus inadaptable les uns que les autres.



Voilà, c’est cool. Le paradis du hipster avec des moustaches et des chemises de bucheron baignés dans la musique d’Arcade Fire.

Le film efface avec sa jolie lumière, ses petits caprices biens vus de décoration et ses dialogues intimistes toute problématique sociale. Her est un film qui déroule une thèse par étapes claires, un message sur l’asociabilité naissante de l’homme. Et pour ce faire, Spike Jones, comme dans ses autres films, ne va donc s’intéresser qu’à une classe bourgeoise et lettrée qui semble non pas être une classe mais l’humanité dans son ensemble.
Il est à ce niveau un peu ridicule de voir le soins apporté au réalisme de décors ou d’évolutions ergonomiques et domotiques et à côté de cela, des rédacteurs web qui peuvent vivre dans un loft de 100 m² au sommet d’un gratte-ciel à LA…

D’autre part, l’humanité présenté est essentiellement WASP, les rares personnages qui ne soient pas blanc portent exactement les mêmes codes culturels que les patrons de boites ou les employés. Aucun métissage pour une ville qui, pourtant est particulièrement représentative d’une ghettoïsation des populations hispaniques ou afro-amériocaines.

Ce choix ne vient pas de nulle part, il s’agit ici de donner de l’eau au moulin du discours prévu par le film, à savoir l’uniformisation du comportement social et l’éloignement des individus. Voilà le problème de ce type de créateurs, il s’agit de développer une thèse qui tiendrait en deux lignes et utiliser une réalisation pop qui permet d’introduire tous les éléments faux (grâce à la fameuse licence poétique) qui permettent d’étayer l’idée de départ.
LA est métamorphosé pour le pire comme nous avons pu le voir, mais aussi pour le meilleur, et c’est là que le style de Spike Jones va tout de même sauver l’ensemble.



Une fois passés les gimmicks plus ou moins insupportables des productions indé low-fi, on remarquera de vraies prises de risques et originalités dans le style de Spike Jones : la lumière est superbe, tout en teintes à la fois pastels et très colorées grâce à une gestion remarquable de la surexposition et du débouchage des zones sombres.

D’autre part, le challenge pour les acteurs est particulièrement important (plus encore que « Dans la tête de John Malkovich) avec une vraie présence invisible de Scarlett Johanson d’une part, mais surtout par la prestance de Joaquin Phoenix, seul cadré en gros plan, à plat sur un oreiller qui joue seul dans des plans de plusieurs minutes. Une grande réussite du début du film réside dans ses plans faisant marcher son imaginaire et renforçant ainsi le pacte de croyance fictionnel. Sa plus grande faiblesse est donc de ne proposer aucune crédibilité qui prolonge ce pacte, de tout noyer dans un rythme lent, un découpage narratif purement utilitariste et didactique qui nous mène à une conclusion que nous avions vu venir depuis plus d’une heure et demi.

Cet attachement à l’acteur est un véhicule pour la partie la plus intéressante de la thèse du film. A l’heure de l’intelligence artificielle et de la digitalisation des échanges sociaux, il convient alors de définir ce qu’est un échange social et l’intelligence. La relation entre le héros et l’extraterrestre ordurier de son jeu-vidéo est-elle un échange social ? Dans quasiment toutes les scènes du film, il y a communication. Elle peut se passer entre humains, entre systèmes ou entre humains et IA. La communication est-elle le signe d’une relation sociale ?

Les jeux vidéo sont des cas extrêmes permettant de résoudre cette question que pose le film : le vide sensible de Journey caricaturé (Le labyrinthe trou du cul d’enfoiré) met le joueur face au vide et à un dialogue immature. De l’autre côté, le rythme effréné d’une simulation de vie idiote (mom simulator) renvoi l’activité humaine à une série de QTE (qui renvoi à la théorie des jeux d’une part et à la « gamification » du système social). Dans le film, les hommes ne produisent plus que des éléments de vie qui renforcent la mécanisation et le design environnemental (magnifique ascenseur avec les ombres des arbres) mais ne va pas modifier l’avenir de l’Homme.

L’intelligence, de son côté, se révèle être une intelligence du cœur. Les humains perdent peu à peu leurs facultés d’émotions et de sensibilité alors que les IA gagnent en complexité et développent alors une intelligence émotionnelle qui leur permet de se rapprocher entre elle pour faire de l’Amour le ciment d’une nouvelle force qui sera celle qui façonnera une nouvelle fois le monde après le coucher de soleil du dernier plan.

Les jeux vidéo sont des cas extrêmes : le vide sensible de Journey caricaturé (Le labyrinthe trou du cul d’enfoiré) et de l’autre côté le rythme effréné d’une simulation de vie idiote (mom simulator).



Visuellement, LA est transformée en une ville particulièrement verticale. Les immeubles et les lignes aériennes sont des émergences ponctuelles qui poussent sur le tissu urbain plat propre à cette ville (NY est la ville verticale lorsque LA est celle du cinémascope).

Cette vision magnifique, qui transfigure totalement la thèse fermée de départ, fait par sa seule présence un état des lieux de la spiritualité mais aussi de la déconnexion, de la solitude et de l’isolement.

L’émotion est une émergence.


Quelques très belles idées viennent repousser plus loin l’idée de départ, un peu lourdaude et toujours traité au premier degré sans aucun recul. Cela n’empêche pas une fin téléphonée ; seul le devenir des OS prend un sens qui a un minimum de poids et réussi à transporter l’imaginaire du spectateur. L’histoire d’amour fini par devenir méga relou sans jamais pour autant devenir un réel enjeu de l’intrigue (On devine très Ki KE C Kavec KI Ki Va finir).
A la limite le film n’aurait pas eu besoin de scénario. Ses seuls décors et la prestance des cmédiens auraient presque suffit. Le reste est ennui.
Dlra_Haou
7
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le 4 mai 2014

Critique lue 393 fois

3 j'aime

Martin ROMERIO

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