Her (vous la sentez la panne d'inspiration pour le titre ?)
Quatrième film du réalisateur américain Spike Jonze, Her fut le gagnant du meilleur scénario original lors des Oscars 2014, autant dire un lot de consolation face au 5 nominations auxquelles le film avait eu droit.
Mais également légitime tant le scénario et l'univers décrit y est extrêmement riche en bonnes idées et très bien mises en scène par de magnifique plans au symbolisme fort (on retiendra celui où Théodore se trouve assis derrière un écran géant représentant un hibou près à l'agripper ou encore ce magnifique plan final).
Her fait le portrait de Theodore Thombly, un homme plutôt asocial et à fleur de peau incarnant l'état d'esprit de la masse en générale.La solitude et la tristesse semble transpirer de ce personnage qu'essaye de masquer une société futuriste aux architectures intérieures très colorées, très festives mais aux façades maussades comparables à celles de nos jours (et donc du passé pour le film), un mélange de couleurs d'un goût douteux, témoignage de l’ambivalence entre les apparences et la réalité mais également reflet de Theodore, qui en se ressassant le passé, refuse (malgré lui) de vivre dans le présent et donc de s'épanouir, la cohabitation entre ces deux mondes se montrant impossible. Pour essayer de l'oublier ou du moins de vivre avec, il va s'inscrire à un programme lui créant un "OS" (avec la voix de Scarlett Johansson, qui réussit l'exploit d'être émouvante avec seulement l'intonation de sa voix), une personne virtuelle, dénuée de corps, à son image mais doté d'une conscience (copie de la sienne ? On peut en douter...) dont il va peu à peu tomber amoureux.
Le film aborde alors le thème de la sociabilité où l'informatique prend de plus en plus le dessus sur l'humain pour combler un vide, ce manque se creusant à mesure que la machine s'humanise, privant l'humain de relations extérieures tant celle qu'il entretient avec son ordinateur paraît plus "humaine" (cet isolement arrivant à son paroxysme avec le lieu de vacance de Théodore). Un système à double-tranchant.
Peu à peu, à mesure que le film avance, Spike Jonze banalise la situation de Theodore en l'appliquant au reste de la population, loin d'être le seul à bénéficier et privilégier une relation virtuelle, les passants dans la rue ne regardent même plus le monde qui les entoure pour se focaliser sur leur OS, les yeux rivés sur leur téléphone, les oreilles attentives aux paroles de leur nouveau (nouvelle) meilleur(e) ami(e).
La question de l'humanisation de l'intelligence artificielle se pose alors, une conscience virtuelle peut-elle se révéler plus humaine que l'humain lui-même ?
A cette question, Spike Jonze ne cherche pas de réponse, son ambition n'est pas de résoudre ce problème mais plutôt d'amplifier ce phénomène de société de plus en plus grandissant en l'ancrant dans une société futuriste (mais pas si éloignée de la notre) afin de mettre en exergue les problèmes de notre société.
Cependant, quelques personnes "survivantes" arrivent à garder contact avec Theodore en IRL à l'instar d'Amy joué par Adams, très touchante (et toujours aussi charmante malgré sa coiffure), réconfortante pour le personnage principal grâce à son honnêteté ainsi qu'à sa capacité à toujours pouvoir mettre des mots sur un sentiment tout en le gardant véritable, en évitant de le dénaturer.
Theodore est lui incarné par Joaquin Phoenix, toujours très juste, dont le personnage à la moustache (retour aux années 70) incarne la masse de cet environnement déconnecté, un monsieur tout le monde fragile qui n'arrive pas à se remettre d'un divorce après "seulement" un an de mariage.
('Tention, voilà la phrase qui spoile) Ces deux meilleurs amis vont tour à tour se réconforter puis réellement se réunir ensemble à la fin du film, apogée de tout ce que nous a précédemment raconté le film.
Un aboutissement parfait de 2h d'émotions toutes en retenues, la niaiserie étant totalement absente du long-métrage au profit d'une mélancolie accentuée par une très belle photographie, à la fois réaliste et pourtant si reposante et "chaude" (sauf dans les scènes extérieures et ses buildings couleur merdes de pigeons). Ainsi qu'une jolie bande originale composée par le groupe Arcade Fire (pourtant pas fan de leur travail) très calme, alternant principalement le piano et la guitare mais toujours dans des rythmes lents.
Tout cela nous rappelant que la fin d'un film est surement sa partie la plus importante, il s'agit de ce que le spectateur retiendra de ce qu'il vient de voir (déception ou pas). Si celle-ci est bâclée, alors il en restera un goût amer dans la bouche du spectateur mais si en revanche cette dernière est réussie, c'est à dire si elle arrive à être aussi surprenante que cohérente avec ce que l'on vient de voir, alors le spectateur sera comblé et de cette fin en résultera un bon souvenir, avec le sentiment d'avoir vu un film réussi et réfléchi.
J'en resterai bien là, la "règle" de la fin d'un long-métrage s'appliquant également à mon écrit (bon ou pas, à vous d'en juger) mais toute critique se doit d'avoir une conclusion alors la voici :
Une perle.