Après des années à faire le pitre aux côtés de son compère Éric Judor, le grand Ramzy Bédia passe à son tour derrière la caméra pour s’exprimer et partager une toute autre facette de sa sensibilité dans
un film empreint de poésie absurde et naïve,
au message simple et universel. Hibou est une humble fable minimaliste, dans l’esprit primitif des films de Spike Jonze ou de Michel Gondry, même si l’on pense beaucoup plus, ici, au cinéma surréaliste de Quentin Dupieux.
Rocky, timide garçon si insignifiant que même le bus ne s’arrête pas pour lui, se réveille un matin avec un grand-duc au-dessus de la tête, perché sur le canapé de son salon. L’homme sans relief, qui jusqu’alors se cherchait, sort désormais en costume de hibou. Si cela ne le rend pas plus visible aux yeux des autres, il y apprivoise sa différence. Son extraordinaire.
Quand il croise un panda quelques jours plus tard, Rocky, sans même s’en rendre compte, s’engage à contresens dans les couloirs du métro, se laisse porter par le vent du changement.
Alors oui, le premier film du jeune réalisateur qu’est le comique patenté est bourré de maladresses. Mais c’est là que résident les élans poétiques du récit. L’absurde est assumé, autant dans la forme que dans ce que le film exprime des comportements de l’homme. L’artiste se révèle poète en étirant le principe simple d’un court métrage sur plus d’une heure, jouant de redondances tendrement comiques dans la répétition de l’intrigue principale aux personnages secondaires : pour s’affirmer, se tenir droit, debout,
chacun a besoin d’un costume, d’un accessoire.
De ce masque indispensable derrière lequel tout le monde se réfugie pour ne pas s’exposer à nu à l’approbation générale de la masse sociale. Ramzy Bédia raconte la difficulté alors de garder une quelconque forme d’innocence dans la résignation à cette règle tacite de la comédie sociale. Et parsème son film des lueurs de bonheur qui naissent, inattendues, quand on oublie le masque. Quand on se livre. Avec ses propres mots et le cœur à la surface du regard.
Photographie très belle par moments, notamment la première séquence du costume. Montage approximatif, certes, et caméra minimaliste, Ramzy Bédia n’est encore qu’un poète maladroit. Mais l’auteur développe avec volonté l’absurde et les échos de son scénario dans une douce minutie, l’envie de prendre le temps, et donne à l’essai un rythme particulier de poésie volatile, légère. Qui cherche presque à se faire discrète pour nous susurrer combien le bonheur vient plus facilement quand on s’aime, quand on s’affirme, et que même si la vie continue son cirque absurde et incertain, c’est là que se trouve la clé de l’épanouissement personnel.
Il suffit de prendre son envol.