J'avais vu Holy Motors il y'a deux ans, l'année de sa sortie, et j'avais franchement rien compris, j'étais pas du tout entré dans le film d'où ma première critique pas très inspirée: "Moi qui d'habitude aime beaucoup le déjanté, l'ovni, l'incompréhensible, bah là j'ai franchement pas pris mon pied, je pense qu'il faut adhérer dès le départ sinon c'est foutu et pour moi ça l'a pas fait."
Voilà pourquoi j'ai voulu revoir ce film, étant en plus dans ma période Carax je n'ai évidement pas pu passer à coté de ce re-visionnage, et là surprise, enfin c'est vite dit, j’espérais avant de le revoir de pouvoir lui mettre un beau 10/10, donc sur le coup je ne suis peut être pas objectif mais ce n'est pas grave, je le fais pour la beauté du geste comme si bien dit dans le film.

Pourquoi ce changement soudain vit à vit de ce film ? Tout simplement car la première fois j'ai voulu comprendre et trouver la logique, mais j'ai appris qu'avec Carax il n'y a pas de logique, il raconte une chose simple au milieu d'un univers purement onirique, un peu à la manière d'un Quentin Dupieux sauf que lui tourne plus autour de l'absurde que du poétique, donc j'ai pendant ce re-visionnage pas cherché à comprendre, je me suis laissé porter par cette univers fascinant et drôlement original, mais cela ne m'a pas empêché de creuser un peu le tout, car il n'y a pas que du vide, il y'a évidement un message derrière toute cette dinguerie, mais le truc c'est qu'à trop vouloir comprendre on s'y perd, alors vaut mieux le voir sans trop réfléchir et ensuite, après le film se creuser les méninges, Carax a volontairement voulu en quelque sorte torturer son public, il a voulu le piéger dans ses pensées, dans ses rêves.
A tel point que le film s'ouvre sur Carax en train de se réveiller, enfin pas vraiment, il s'ouvre premièrement sur un public de cinéma dans le noir, un public fixe et inexpressif, les gens ne semblent pourtant pas morts ni endormis, ils semblent plus perdus devant un film incompréhensible, ensuite nous arrivons sur Carax qui se réveille, il fait le tour de sa chambre d’hôtel apparemment et tombe sur un pan de mur tapissé d'une foret, un pan rempli d'arbre, ce qui est métaphoriquement l'entrée de l'imagination de Carax lui même, d'ailleurs il y'a une serrure dans le mur, et Carax comme si ça n'était pas déjà assez bizarre dispose d'une espèce de clé greffée sur un de ses doigts, et il ouvre soudain la porte de son imaginaire donc et à l'intérieur se trouve un cinéma qui projette un film, et les gens dans la salle sont donc ceux qu'on a vu au début, et dans une des rangées on découvre un bébé qui court vers l'écran et dans une autre un chien douteux qui s'approche aussi de l'écran, mon hypothèse quant à ça, bonne ou pas c'est mon hypothèse c'est que le bébé représente le spectateur curieux du cinéma de Carax, le spectateur qui ira avec joie voir son film et de l'autre le chien plutôt méfiant et qui n'a pas tellement confiance qui représente toujours à mon sens le spectateur méfiant donc du cinéma de Carax, personnellement j'ai vu ça comme ça, je ne sais pas si c'est la bonne vision ou pas m'enfin moi ça me va et je trouve ça plutôt ingénieux.

Après ce court instant mystérieux en présence du réalisateur nous arrivons enfin sur le film, Monsieur Oscar jusque là inconnu pour nous spectateur sort d'une superbe maison en saluant ses enfants, il arrive à une limousine conduite par une femme classe, et nous allons suivre cet homme parmi tant autres qui va durant toute sa journée se rendre à des rendez-vous, pour l'instant rien de loufoque, sauf que ces rendez-vous n'ont rien de commun, Monsieur Oscar donc va à chacun de ces rendez vous se grimer et incarner une nouvelle personne, 9 en tout, il a 9 rendez vous dans cette journée qui je le rappelle est une journée banale pour lui, la petite routine en somme, une routine qui semble d'ailleurs le lasser, tout ces rendez vous très jouissifs en passant cachent quelque chose, ou du moins se rapportent à quelque chose, par exemple le premier où il est déguisé en mendiante âgée rapporte de toute évidence à la pauvreté, et pendant ce passage personne ne lui donnera de pièce, ce qui rapporte à l’égoïsme des gens, et tout le long sera comme ça, nous avons le sexe, une relation père/fille compliquée, une créature inconnue qui sème la pagaille dans un cimetière, à mon sens ce passage rapporte à la différence, peut être même au racisme, enfin je m'égard sans doute, c'est peut être tout simplement la folie en faite, de plus cette créature quelque peu attachante et incroyablement déjantée n'est autre que Monsieur Merde déjà vu dans le court métrage "Merde" que Carax nous avez proposé dans le film "Tokyo!", et c'est assez bien vu de l'avoir reprit ici car ce personnage mérite qu'on se tourne vers lui, enfin bref, nous avons aussi le meurtre et quelque part le suicide, nous avons la mort, de vieillesse cette fois, le chagrin que nous laissons aux restants, et sur la fin nous avons également l'amour gâché à cause de la perte d'un enfant, en somme nous avons diverses choses banales de la vie, l'humanité tout simplement mais proposée à la manière de Leos, c'est à dire avec du recul, avec de la poésie et même quelque peu de dinguerie si on peut appeler ça comme ça, surtout sur la dernière scène inattendue et très surprenante, ainsi que sur l'entracte très bien vu du film où un orchestre de musiciens offre une prestation très sympathique et follement jouissive dans une église.

4 ans donc après le court métrage "Merde" et 13 ans après "Pola x" l'ovni français Leos Carax est de retour, un retour que je considère à présent de grandiosement réussi, mais curieux de ne pas voir cette fois ci une histoire d'amour car depuis le début de sa carrière ses films n'ont tournés qu'autour de ça, la romance, et cette fois ci aucune histoire d'amour, ou alors si on pousse un peu, on peut y trouver une histoire d'amour entre un acteur et son métier, mais ce n'est pas une romance commune, surprenant comme choix mais pour le moins renouvelé, et quelque part ça fait du bien de changer un peu, et puis cette histoire d'un homme qui incarne plusieurs vies est juste sublime, du génie même, et pour incarner cette homme qui change de vie comme de chemise qui de mieux que le fabuleux et fidèle Denis Lavant, il incarne avec un tel talent chaque personnage, c'est bien simple, à part les moments dans la limousine où il est lui, c'est à dire M. Oscar, il est méconnaissable, son grimage, son comportement, tout change, et pour arriver à convaincre avec autant de personnage il faut être un véritable caméléon, et Denis en est un, un brillant même, il a une telle envie, une telle générosité, surtout pour son ami Leos qui lui a sans aucun doute offert les meilleurs rôles de sa carrière, enfin bref, il est magistral quoi, pour le reste du casting nous retrouvons la très classe Edith Scob en chauffeur de limousine, la sublime Eva Mendes est quant à elle une mannequin victime d'un enlèvement, causé par Monsieur Merde, Kylie Minogue offre une très belle chanson vers la fin, Michel Piccoli déjà vu dans "Mauvais Sang" fait une courte apparition et nous avons évidement Leos Carax lui même, en somme nous disposons d'un casting intime et réduit mais professionnel et talentueux.

Niveau mise en scène, c'est à un niveau tellement élevé que c'est dur de mettre des mots dessus, une direction de génie et une vision de la vie et de l'acteur tellement riche, la construction de tout cela est sans défaut, tout comme le scénario d'une splendeur rare, l'image est somptueuse et captive l'essence du film à merveille, la bande son est choisie avec grand soin et se marie parfaitement avec l'image, j'ai été très content de retrouver le même thème que dans le court métrage "Merde" lors de la partie avec Monsieur Merde justement, car c'est un thème si fun, la musique de l'entracte est également géniale et non moins fun, pour faire simple, techniquement le film est irréprochable, si on entre pas dans l'univers ou qu'il ne nous intéresse pas c'est une chose mais niveau technique il est impossible de faire de reproche.

J'ai aussi remarqué une chose, bon ça n'apporte rien au film mais c'est assez spécial, c'est que dans tout ses films, enfin une très grande partie on retrouve le fameux Pont-Neuf de Paris, même dans le court "Merde" qui pourtant se passe à Tokyo, je ne sais pas ce qu'il a avec ce pont, surement un rapport avec un truc personnel, m'enfin bon c'est assez sympa de revoir ce pont même brièvement dans chacun de ses projets.

Bon je vais à présent clôturer ma critique,car toute les bonnes choses ont une fin, (prétentieux ?! Moi ?! ok, un peu j'avoue), si des gens sont encore là, merci à vous, donc, j'ai été très heureux de changer radicalement d'avis sur ce film, enfin cette expérience plutôt, j'ai adoré arpenter les rues de Paris à bord d'une limousine en compagnie de ce cher Monsieur Oscar, d'ailleurs c'est la première fois que Lavant ne s'appelle pas Alex dans un film de Leos, mais bon un des personnages qu’interprète Oscar s'appelle Alex donc au final on ne perd pas les bonnes habitudes, du grand et très beau boulot, une oeuvre à part entière et jamais vue ailleurs, un grand bravo donc à cet unique Leos Carax au nom encore plus unique.
-MC
10

Créée

le 1 avr. 2014

Modifiée

le 16 sept. 2014

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