Doit-on choisir entre l'Eugénie Grandet de Dugain et Les Illusions perdues de Giannoli ? Si oui, alors ce serait peut-être le premier, moins éclatant et plus modeste, plus provincial en somme mais dans lequel la comédie humaine se teinte de couleurs moins tragiques. Quoi qu'il en soit, c'est Balzac le grand triomphateur dans le cinéma français de cette saison, notamment pour son talent à parler d'une époque à laquelle il est aisé de rattacher la notre, pour ses travers, bien entendu. A L'adaptation d'Illusions perdues, brillante, c'est incontestable, le seul reproche possible serait celui d'avoir cherché sans relâche les correspondances entre le libéralisme des XIXe et XXIe siècles. Mais, il faut bien l'avouer, de l'innocence (initiale) de son héros au cynisme de la société, avec l'équivalent des stars, influenceurs et autres réseaux sociaux d'aujourd'hui, la démonstration est passionnante, cinglante et d'une cruauté absolue. Tout se vend et se corrompt dans ce monde fétide de la Restauration, à grands renforts de publicité, de mots d'esprit et d'alliances douteuses. Giannoli, on le sait, est le cinéaste de l'imposture, et ne pouvait que succomber aux attraits de ce roman balzacien, dont il n'a pas atténué la noirceur, bien au contraire. Comédie humaine, les termes collent on ne peut mieux à ce théâtre de la tromperie, de l'ambition et de l'immoralité. Le casting est royal et parfaitement adapté du premier rôle de Benjamin Voisin, à ceux moins au premier plan mais marquants de Depardieu, Dolan, Cécile de France, Balibar, Lacoste, Stévenin, etc. Eh bien, ma foi, comment ne pas espérer très vite voir à nouveau Balzac scénariste mis à contribution avec, au hasard, Le père Goriot, La duchesse de Langeais ou, pourquoi pas, La fausse maîtresse ?