Récemment nominé aux Oscars, Imitation Game, réalisé par Morten Tyldum, reconstitue la vie d'Alan Turing, mathématicien qui fit figure d'acteur inconnu et oublié de la Seconde Guerre mondiale. En effet, le monsieur a réussi à défaire la machine Enigma, machine dont se servaient les nazis pour communiquer, et donc à interpréter leurs messages, et donc à aider grandement les Alliés à remporter la Seconde Guerre mondiale. C'est en tout cas le postulat que prend le film: mettre en valeur ce personnage, imbu de lui-même et pourtant génial, qui sauva de nombreuses vies.

"Un thriller magnifique", "Benedict Cumberbatch triomphe", clame l'affiche, tout en exposant bien à notre vue les nominations aux Oscars du film. En y allant, n'importe qui a donc le pressentiment d'aller assister à un film brillant, qui sort des normes et des sentiers battus, qui innove un minimum, qui se démarque des autres. Je sors de la séance et force est de constater qu'aucune de ces attentes n'est confirmée, faisant de Imitation Game le film le plus décevant de ce début d'année 2015.

Boursouflé d'académisme. Voilà la plus belle expression que j'aie pu trouvé pour qualifier un film qui est si classique qu'il en devient agaçant. Mal aidé par une réalisation transparente qui ne le sert en rien, le film a la fâcheuse habitude de se reposer sur un Benedict Cumberbatch dont le rôle semble avoir été conçu sur-mesure: faisons un film pour Cumberbatch, et donnons-lui un rôle qui ne varie pas beaucoup à ceux qu'il a d'habitude, juste assez original pour aller aux Oscars. Car il faut le dire: que ce soit dans Star Trek 2, dans Sherlock (m'a-t-on dit) ou dans Imitation Game, Cumberbatch arbore toujours le même personnage d'intellectuel prétentieux et arrogant. Alors certes, il le fait bien, à tel point que cela ne m'étonnerait pas qu'il soit comme ça en tant que personne, mais ce n'est en aucun cas une raison pour fonder un film dessus.

La musique d'Alexandre Desplat et la reconstitution historique donnent du sérieux à Imitation Game, et sauvent légèrement les meubles, mais ne seront jamais assez forts pour compenser cet académisme qui en devient écœurant. Je me répète, mais à raison: cette manie qu'a le film de s'auto-aduler en mettant Cumberbatch en avant sous prétexte de rendre hommage à Turing, me révolte et est grandement à l'origine de cette note si basse. Je pense que s'il y a quelqu'un à accuser dans cette histoire, c'est bien le réalisateur, qui comme je l'ai déjà dit n'apporte pas grand chose au film, autant dans la mise en scène, que dans la réalisation et dans la direction des acteurs. Niveau casting, Keira Knightley remplit son rôle; mais les autres rôles, si insipides et inconnus que je ne me souviens ni du nom de l'acteur, ni du nom du personnage, participent d'autant plus à l'enterrement du film.

Si Imitation Game était un cycliste, il serait dopé pour avoir le plus de chances de gagner la compétition, comme l'est le film pour remporter au moins un Oscar, ne mettant en avant que les qualités demandées, sans approfondir quoi que ce soit derrière (je ne parle même pas forcément de profondeur philosophique, mais tout simplement de détails techniques, majoritairement évincés), et tombant sur la fin dans un pathos amer qui entraîne encore une fois le film dans un académisme profond. C'est la troisième fois que je le répète et la dernière, mais je me dois réellement d'insister sur ce côté du film qui, selon moi, le ruine littéralement. Si l'on peut essayer de se consoler avec la mince réflexion que propose le film, en proposant, vers la fin, Alan Turing et le personnage de Keira Knightley comme des personnages modernes, on s'écroule devant l'ébauche de relation qui est finalement construite entre les deux personnages, franchement brouillonne et amatrice.

Pour résumer, on peut dire qu'Imitation Game est moins l'histoire d'Alan Turing que celle de la course de Benedict Cumberbatch vers l'Oscar, tant ce film semblé dédié à l'acteur plus qu'au personnage. On notera la bonne intention de base, et déplorera le potentiel inexploité d'un film qui méritait mieux.
Soma96
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le 24 janv. 2015

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Kevin Soma

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