"L'homme exerce la violence parce qu'elle lui fait du bien"...

Comme cette citation me semble juste !
Alan Turing, si l'on en croit ce film, l'a expérimenté, comme bien des enfants et adultes dans l'histoire du monde. Elle prend une toute autre dimension dans son cas, les autres exerçant l'expression de leur frustration et de leur incompréhension face à la différence par la violence physique et les brimades.
Ici, en l'occurrence, c'est une intelligence analytique largement supérieure à la moyenne et un comportement social dont les symptômes autistiques paraissent avérés. Ce n'est pas la première fois que le personnage du génie solitaire, par essence incompris, nous est présenté. Alan Turing, campé avec talent par l'excellent Benedict Cumberbatch, laisse au spectateur bien peu la possibilité de ressentir de l'empathie à son encontre, tant il est direct et peu diplomate avec ses interlocuteurs à l'intelligence moins développée.
Ses relations se suivent pourtant avec intérêt, tout autant que le suspense du code Enigma. Les anglais parviendront-ils à le briser à temps ? Ce secret d'Etat, demeuré celé durant plus de cinquante années, a semble t-il largement aidé à contrer la stratégie de l'état-major allemand. Des images d'archives, insérées au cœur du film, permettent au spectateur de s'immerger un peu plus dans cette histoire parfois assez peu palpitante.
Le réalisateur nous propose de suivre en parallèle trois époques de la vie du mathématicien et, si elles l'éclairent d'une compréhension supplémentaire, se révèlent à mon sens pas toujours captivantes.

Ce qui m'a beaucoup plus intéressé en revanche, c'est le contexte sociétal d'une Angleterre pas si lointaine où la perception des femmes et des homosexuels semble dater d'une autre ère. Les femmes, tout juste bonnes à enfanter les futurs soldats de la nation, peuvent être secrétaires mais certainement pas des êtres capables de pensées évoluées (la scène du test de mots croisés est à cet égard éloquente). Notre époque, dans les pays occidentaux, est d'ailleurs le reflet de cette époque si proche. Les femmes doivent tenir un rôle précis (au foyer en l'occurrence) et elles demeurent moins payées que leurs homologues à travail égal. D'ailleurs, on rencontre davantage de femmes dans les postes subalternes qu'au sommet des hiérarchies, administratives ou dans les entreprises. Les homosexuels, considérés comme des malades, sont condamnables pour leur "déviance" et doivent être soignés (on a pu dire rééduqués ailleurs). Que ce soit un brillant mathématicien n'y change rien, il subira l’opprobre de ses contemporains lorsque sa préférence sexuelle sera connue. Il est d'ailleurs frappant de constater, dans les commentaires de fin du film, que la reine d'Angleterre l'ait gracié à titre posthume seulement en 2013.

L'être humain est décidément une créature qui a beaucoup de difficultés avec la différence de ses pairs et adore exercer la violence, qu'elle soit physique ou psychologique, car cela lui fait tellement de bien et le rassure dans ce qu'il croit être son bon droit ! On est pas encore à la veille d'avoir décodé l'énigme du cerveau humain...