Le réalisateur britannique revient sur les écrans après Inception et la trilogie Batman. Il s’attaque au genre de la Science-Fiction dans une odyssée cérébrale complexe et magnifique.


La Terre est ravagée par une climatologie apocalyptique où les tempêtes de poussière se succèdent et où l’homme ne cultive plus que le maïs pour subsister. Joseph Cooper (Matthew McConaughey), ancien pilote d’essai pour la NASA reconverti en fermier, vit avec son beau-père (John Lithgow) et ses enfants, Tom (Timothée Chalamet) et Murphy (Mackenzie Foy), et cultive le grain dans l’espoir de survire une année de plus sur cette planète devenue hostile.
L’urgence de la situation pousse le fermier à suivre une série d’anomalies gravitationnelles et se retrouve dans une base secrète de la NASA qui y poursuit ses activités spatiales. Cooper est alors engagé pour une mission visant à sauver l’humanité.
Un voyage spatial durant lequel Cooper et son équipage (Anne Hathaway, Wes Bentley, David Gyasi) seront chargés de retrouver les astronautes envoyés des années plus tôt à la recherche d’une planète habitable et qui envoient des signaux depuis lors, pour préserver l’espèce humaine de son sort funeste. Une odyssée spatiale glaçante, tintée de réflexions sur la nature humaine, sa faculté à regarder vers les étoiles et à croire en ses rêves, dans un monde où la population se contente de la terre qui se trouve sous ses pieds.


Nolan, comme il nous y a habitués dernièrement, nous livre donc un film de science-fiction aux effets visuels bluffant, digne des plus gros blockbusters teenage, sublimé par un message qui se veut universel. Entre superproduction hollywoodienne et véritable film d’auteur, le réalisateur, producteur et scénariste trouve à nouveau une alchimie efficace sur un sujet qu’il n’avait pas encore abordé, que ce soit la SF ou l’amour, message véhiculé par le film.
Nolan n’en est pas à son coup d’essai. En témoigne sa trilogie Batman (Begins, The Dark Knight, The Dark Knight Rises) où, sous prétexte de nous resservir un nouveau film de superhéros sur le Batman, nous livre une vision particulière du justicier, en proie à la violence, au doute et à la sauvagerie du monde, une idole déshumanisée qui, pour mener sa croisade, fais fi de ses valeurs morales.
Interstellar est servi selon une recette similaire dont Nolan connait les secrets par cœur. On a, d’un côté, un film de SF au scénario banal, celui d’un homme envoyé dans l’espace pour trouver un nouveau havre pour les terriens sujets à l’extinction, servi par des images à la foi superbes et glaçantes d’un espace infiniment silencieux et terriblement vide. D’un autre côté, on a un message, sur plusieurs niveaux de lecture. L’Amour. L’amour d’un père pour sa fille et réciproquement, qui suscite tout au long du film, à chaque évocation, l’émotion. L’amour de ses rêves, d’oser regarder vers les étoiles au lieu de baisser la tête sur ses plants de maïs mourant. Un message d’amour universel dans l’odysée de Cooper, prêt à sacrifier tout ce qu’il a pour sauver son prochain. Un message biblique, beau et fort, dont feraient bien de s’inspirer certains d’entre nous.


Cette beauté, on la retrouve paradoxalement dans l’espace qui nous est donné à voir. Entre fascination et malaise. Un espace vide et silencieux dépeint avec une maîtrise artistique à couper le souffle. La vision du vaisseau dérivant lentement à travers une immensité cristallisée et immuable, vide de toute vie, dans l’espoir de trouver un espoir là où on ne l’imaginerait pas. Ce silence macabre, cette infinie petitesse et la fragilité de l’homme face aux recoins les plus grandioses d’univers inconnus, forcent l’admiration.
« Dans l’espace, personne ne vous entend crier ». C’est ce que nous disait Alien, le 8e passager en 1979. Et je tenais à souligner ce point, que certains appelleront détail, bien souvent omit et pourtant retranscrit parfaitement dans Interstellar. Enfin ! Enfin une vision scientifiquement réaliste de l’espace qui ne prend plus son public pour des demeurés. Un espace vide de toute matière où le son ne peut se répercuter et où les vaisseaux ne projettent pas de gerbes de flammes titanesques à l’accélération. L’espace est austère, silencieux, morbide. Magnifique et terrifiant à la foi, il impose le respect et la contemplation.


Un space opera dans toute sa majesté. Un régal pour les mirettes, de la représentation colossale du trou noir, qui ferait grincer n’importe quel astrophysicien qui se respecte, à celle de l’une des planète, intégralement recouverte d’eau et aux vagues monstrueuses, tout est fait pour en mettre plein la vue et on en redemande !
Le tout est sublimé par Hans Zimmer qui livre une bande son dantesque, à la foi dramatique et onirique qui, comme à l’accoutumée, sert parfaitement l’image.


Mais cette façade visuelle n’est pas un cache misère. Interstellar dispose d’un fond au moins aussi respectable et magnifique que la forme, un message de l’amour triomphant, comme en témoigne cette ultime scène où Amelia Brand se trouve être sur la seule planète habitable sur les trois possibles, celle où s’était arrêté son éternel amour et que son cœur lui disait de suivre. Cet amour, tout au long du film de Nolan, en plus de donner des scènes intenses contrastant avec l’austérité des paysages, est le réel liant, l’élément décisionnel de l’intrigue.
Si le propos émotionnel est bien servi, magnifiquement interprété par le récemment oscarisé Matthew McConaughey, les discours scientifiques alourdissent sans raison certains passages du film. On a l’impression que Nolan cherche à se justifier, à chacun de ses partis pris. Le réalisateur se justifie même, dans l’un des derniers plans du film, de sa prise de position métaphysique dans un dialogue pompeux qui brise la beauté visuelle et symbolique d’une scène qui avait tout pour conclure de façon grandiose l’odyssée de Cooper. Là où la théorie des cœurs est plus importante que la théorie des cordes, c’est cette dernière que Nolan tente de légitimer par tous les moyens, noyant le spectateur dans un flot de considérations scientifiques inutiles. Un sens de la pédagogie mal exploité, qu’il avait su insufflé à ses précédentes œuvres à la complexité intellectuelle apparente (Inception, Insomnia). Fort heureusement, il y a, dans cette rigueur scientifique, quelques traits d’humour savamment distillés par les robots (à l’architecture originale) permettant d’alléger cette masse d’information et surtout de varier les émotions du spectateur.
Nolan livre une cathédrale de la Science-Fiction magistrale et somptueuse, onirique et dramatique dont la beauté visuelle est à couper le souffle. Une réalisation qui frôle la perfection, les plans sont rythmés intelligemment, de façon chirurgicale, entre l’intérieur du vaisseau où les dialogues pleuvent et l’extérieur, silencieux, inerte, une interprétation au large spectre émotionnel que McConaughey, d’une justesse implacable, tient tout au long des trois heures, Interstellar a, d’apparence, tout pour plaire. Cette émotion qui conduit à l’humanité force la comparaison avec la rigueur scientifique, les calculs à multiples inconnues, les théories sur la rationalité et la métaphysique, imparfaite et mal rythmée qui retire cette part de poésie, soulignée par les nombreux vers, tirés d’une œuvre de Dylan Thomas appelant à « s’enrager contre la mort de la lumière », animant cette tragédie interstellaire. L’imagination n’a pas sa place dans l’œuvre de Nolan, c’en est presque regrettable pour une œuvre au lyrisme aussi apparent qu’Interstellar. On lui pardonne ses longueurs face à la beauté du propos final, réflexion sur la nature humaine et sur la force des sentiments primordiaux. Finalement, l’amour triomphe et c’est sur ce point que Nolan réussi à nouveau. L’amour est une force transcendante, capable de traverser les univers et les dimensions. Partir d’une image de blockbuster parfait pour arriver à un message universel. Puissant. Définitivement, une œuvre qui s’inscrit dans une autre dimension, une nouvelle étoile dans la galaxie Nolan.


• Note : 9/10
• Interstellar (GB-USA) :
• Real. : Cristopher Nolan
• Avec : Matthew McConaughey, Anna Hathaway, Matt Damon
• Durée : 2h47

Créée

le 15 avr. 2015

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