"Le rectum" et un tunnel? M'est avis que ça va encore tourner autour du trou de balle cette histoire
Irreversible est à la fois une belle prouesse et un film à chier, j'ai du mal à trancher. Déjà parce que j'en ai marre que les personnages découvrent le monde souterrain de l'homosexualité dans les labyrinthes sado-gays. Ce truc, ça semble être le fantasme de tous les hétéros tellement ils focalisent là-dessus. Genre pour connaître la vraie vie, il faut descendre dans les bas-fonds du Rectum. Vous trouvez ça classe d'appeler une boîte comme ça? Attendez, en plus notre ami Cassel cherche le Tenia dans le Rectum, comme il se plait à le répéter pendant 15 bonnes minutes. Je trouve franchement ça du plus mauvais goût. Toute cette scène concentre le pire des essais d'un réalisateur qui chercherait à choquer. Donc une lumière rougeâtre, des grands couloirs tous sombres avec l'intégrale de l'équipe de Fort Boyard en train de se fister. Au milieu de tout ça, l'horrible désarroi de notre pauvre Marcus, parce que vous comprenez il a une vraie affaire de mec à régler, la vengeance c'est virile, et toutes ces tantouzes ne veulent pas lui répondre. Non mais. Le tout est vraiment nauséabond, mais pas parce que ça te bouscule, non juste parce que ça pue en soi. Donc, vingt premières minutes particulièrement douteuses.
Ensuite, la structure du film se met en place, et elle est plutôt maligne. Bon Noé n'est pas le premier à monter son film à l'envers, et l'idéologie qui sous-tend tout ça, c'est qu'on est prédestiné etc etc. Mais malgré tout, je trouve que c'est une jolie idée. Surtout quand on veut faire un film choc. D'habitude, les réalisateurs adorent te mettre une dernière scène bien crade ; comme ça après les spectateurs témoignent "j'ai pas pu me lever de mon siège au générique", "j'ai été scotché", "mon cerveau est resté à la dérive tandis que les noms défilaient sur l'écran", etc etc. Là au contraire, le voyage se fait du trou du cul à un grand ciel bleu. Et savoir aménager un temps pour respirer après deux scènes trash, c'est la différence entre un artiste et un type qui veut juste vous faire bouffer sa merde, gros consommateurs de scandale que vous êtes.
Parce que oui, il y a les fameuses deux scènes, dont vous avez forcément entendu parler même sans avoir vu le film. Connues sous le nom de "le viol" et "l'extincteur" (peut-être même que vous ignoriez à quel film ça se rattachait. Mais l'extincteur, oui, forcément, on vous l'a décrit). Donc à tous ceux qui voudraient venir se rincer l'oeil et compenser leur manque d'images scandaleuses, archi-violentes et gerbantes, Gaspard Noé envoie un gros fuck en faisant durer son film bien plus longtemps, une fois ces scènes passées. Normalement, dans ce genre de cinéma, s'il est racoleur, la scène choquante est sensée être l'acmé du film, et tout converge en détails malsains jusqu'à un grand bain de sang/de foutre final. Là non, et c'est à mon sens ce qui fait qu'Irréversible est plus qu'un énième film où il faut gaver le chalant d'images crades, pour qu'il en ait pour son argent.
Son Irréversible ne l'est pas, justement. Parce qu'il y a tout cet avant-drame, qui arrive après, et qui laisse une chance de dépasser le viol et le meurtre. La première scène (donc la dernière, si vous avez suivi), est particulièrement belle. Vincent Cassel et Monica Bellucci jouent dans les draps, se crachent dessus, dansent une cigarette à la bouche et s'embrassent comme des enfants. L'amour y est filmé de manière juste, légère, sans fioritures. Noé nous rappelle à cette occasion qu'il est autant réalisateur de l'humain que du violent. Je trouve ça très touchant.
Quelques bémols : ça suffit, le plan sur les lumières pour faire la transition. Là, c'est peut-être moins lourd que dans Enter the Void, où la lumière c'est carrément l'âme. Mais tout de même, on a compris. Ça suffit aussi, cette fixation sur la maternité. Enfin quoi, il faut vraiment qu'il aille voir un psy pour ce genre de choses. Idem pour la prédestination. Que ce genre de thèmes lui tiennent à coeur, ok. Mais on s'arrêtera à ces deux films, après ça va vraiment devenir du matraquage.