C’est marrant, mais je me rends compte avec le temps que plus les choses vont et plus mon rapport avec le cinéma d’Ozon reste le même. Je suis attiré par l’audace du sujet et l’esprit de transgression, mais au final je me retrouve toujours à regarder le film de loin, sans jamais réussir à rentrer dedans. C’est qu’il y a à chaque fois dans le style Ozon quelque-chose de factice qui n’est pas du tout assumé. Les premières minutes sont un exemple en elles-mêmes. Ozon adopte une réalisation très épurée propre au cinéma social à la française comme pour laisser sous-entendre qu’il est dans le simple regard du vrai, qu’il est observateur du réel et non auteur d’artifices. Pourtant, toute l’intrigue qui suit derrière n’adopte en rien ce type de démarche : les personnages comme leurs actions ne sont en fait que de pures prétextes à l’exploration de ses propres fantasmes refoulés. Le pire, c’est que moi ça ne me dérange pas qu’il explore ses fantasmes, quitte à ce qu’ils soient transgressifs et immoraux. Mais dans ces cas-là qu’il assume et qu’il aille jusqu'au bout, notamment dans sa forme ! Mais non ! Toujours Ozon retourne vers un dispositif qui s’apparente à une sorte de « j’étudie simplement un phénomène de société que personne n’ose regarder », prétendant même parfois jouer le jeu de l’exploration de toutes les conséquences et de tous les points de vue possibles. Mais en réalité, il biaise toujours le regard comme pour justifier, voire normaliser sa perversion. Et c’est tout le paradoxe de ce film, je n’ai pas pu m’empêcher de le trouver malsain sur toute la ligne parce qu’il est dans cette sorte de démarche de légitimation de la perversion au lieu d’être dans une démarche d’assumation. Dommage, car entre deux scènes glauques il y a quelques parallèles intéressants qui sont faits sur la logique de marchandisation des personnes et des services, sur l’incohérence voire l’hypocrisie de la société. Certains moments sont même formellement assez pertinents. La photo et la musique sont notamment de grande qualité, surtout sur la fin. ce qui me fait arriver sur ce constat désespérant concernant ce film, et concernant Ozon en général. Je n’arrive pas à détester, mais il y a toujours là-dedans une démarche qui ne va pas au bout, qui reste esclave et docile de la bien-pensance formelle du cinéma bobo à la française... Et c'est franchement bien dommage en fin de compte...