On n'est pas sérieux quand on a 17 ans...
J'ai beaucoup de mal à démarrer cette critique car, comme ça m'arrive parfois, j'ai beaucoup aimé ce film sans pourtant pouvoir dire exactement pourquoi...
La prostitution est un sujet qui fait débat et dont on entend parler régulièrement. Mais c'est habituellement dans le ton du "j'ai-besoin-d-argent-pauvre-de-moi" (ce qui est bien souvent vrai et peut s'avérer dramatique).
Dans ce film, Isabelle n'a nullement besoin d'argent et se prostitue, si ce n'est par plaisir, par curiosité.
Etrange donc...ou du moins...inhabituel.
Que peut donc pousser une ado de 17 ans issue du milieu bourgeois parisien (fréquentant le fameux lycée Henri IV) à se prostituer ?
C'est là toute la question du film...question qui restera sans réponse, et tant mieux ! Il eut été trop facile de basculer du côté psychanalytique en expliquant le pourquoi du comment.
La seule piste de réponse que nous avons est celle de Rimbaud : on n'est pas sérieux quand on a 17 ans. Certains ados boivent, d'autres se droguent, Isabelle se prostiue.
La réalisation et la mise en scène n'amènent aucun jugement, juste un état de fait, une incompréhension qui plane mais qui ne se transforme jamais en accusation. Bien sûr, certaines incompréhensions sont plus profondes que d'autres. Entre Isabelle et sa mère on sent un contact qui s'est petit à petit rompu au fil que la fille grandissait ("quand tu étais petite tu me disais tout..."). Schéma classique des parents qui découvrent un jour que leur enfant à grandi et qu'ils le connaisent bien mal.
Cette constatation est difficile pour la mère, blessante même ("comment a-t-on pu en arriver là ?"). Elle juge, inévitablement ("tu fais la pute !") ; tente de rétablir le dialogue, maladroitement ("et si on partait un week-end à Londres ?") ; puis elle prend du recul et relativise ("il faut que tu lui fasse confiance maintenant").
La prostitution d'Isabelle n'aura duré que quelques mois, une petite tornade dans un milieu souvent sclérosé par une vision des choses très normée. Que va devenir Isabelle nous ne le savons pas, que tirera cette famille de cet épisode, nous ne le savons pas non plus.
Il reste quelque chose d'instable à la fin de ce film, mais une instabilité saine, une instabilité de celle qui nous permet de nous interroger et de nous remettre en question, une instabilité où l'on sent que l'on peut choisir.
Bref, une petite note positive qui m'a rappelé les fins heureuses des contes des quatre saisons d'Eric Rohmer (dont le réalisateur s'est peut-être inspiré vu le choix de la trame narrative, découpée en été/automne/hiver/printemps). Une ptite note positive qui m'a fait ressortir de la salle avec un sentiment heureux.
Plutôt étrange pour une film sur un tel sujet, non ?