Jeune & Jolie par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Isabelle est comme l'indique le titre très explicite du film une jolie jeune fille de dix-sept ans. Elle semble vivre une existence tout à fait normale entre sa mère remariée, son beau père, un homme paisible, et son petit frère avec lequel s'établit une certaine complicité. Nous allons suivre durant les quatre saisons de l'année l'évolution d'Isabelle du premier flirt et sa première aventure amoureuse, puis son engagement dans la voie de la prostitution qui sera une rude épreuve autant pour elle que pour sa famille. Toute la question est de savoir si en restant dans son cocon familial sans dévoiler son activité chacun arrivera à dialoguer et à convaincre Isabelle qu'elle s'enlise dans une voie sans issue et dangereuse.


A la vue de ce film me voici dans l'embarras. Isabelle vit dans un milieu tout à fait convenable avec certes un couple reconstitué mais tout à fait uni au niveau de la vie familiale. Elle poursuit ses études mais semble quelque peu perturbée. Quelque chose semble bouleverser son équilibre et là, on est tenté de se poser question. Plusieurs hypothèses sont envisageables. Les premiers rapports de vacances l'ont- elle traumatisée? Il est vrai que pour cette jeune fille, entre autre, l'évènement prend une ampleur psychologique très importante. Est-ce le fait d'un remariage de sa mère? Est-ce tout simplement les sites de rencontres d'internet qui la font fantasmer ? Est-ce le fait d'avoir un tempérament nymphomane qui peut amener ce comportement sur cette jeune fille mineure? Difficile à cerner!. Toujours est-il qu'en cachette notre belle Isabelle se fait sur internet une liste de clients qu'elle honore d'hôtels de luxe en voiture spacieuse afin d'assouvir une soif de sexe par des billets de banque dont elle ne semble pas avoir spécialement besoin. La jeune fille mineure paraît un peu plus que son âge. Elle fréquente un lycée mais ses idées sont ailleurs. Les copains de sa génération lui sont étrangers, seuls les hommes d'un certain âge l'intéressent sans assouvir réellement sa passion. L'argent semble être l'atout majeur. Arrive bien sûr le jour où cette folie va se savoir. La police va s'intéresser de plus près au comportement étrange d'Isabelle. Les parents seront alors surpris, bouleversés, démunis. Que faire ? Il existe des solutions, les psys, les leçons de morale et les dérivatifs mais lorsqu'on a cette drogue dans la peau, vouloir séduire, ensorceler les hommes, il est difficile de se sortir de cette escalade qui envahit le corps et l'esprit. Isabelle pourra t-elle combattre sa situation qui résulte certainement d'un mal-être, rien est moins sûr.


Et bien voilà, François Ozon a sorti son film annuel et cette fois encore il ne m'a pas enthousiasmé. Je trouve ce film bâclé et sans intérêt, pourtant il y avait un sujet magnifique à exploiter. Une lycéenne se prostitue, malheureusement on rencontre de plus en plus de jeunes filles et de jeunes garçons obligés de passer par cette épreuve. Cela est le plus souvent dû à un problème récurant: le manque de moyens afin de payer son loyer d'étudiant(e) ou tout simplement pour pouvoir subvenir au besoin de sa famille, voire parfois par plaisir et le pire, malheureusement, sous l'emprise de certains réseaux. Il peut arriver également que le contexte familial puisse avoir une influence. Que s'est-il passé dans la tête d'Isabelle pour en arriver à cette extrémité alors qu'aucun contexte puisse l'obliger de faire des passes avec des hommes bien plus âgés qu'elle. Personnellement je reste stupéfait par le manque d'engagement de ce film car j'en attends toujours l'explication. Le réalisateur nous offre des pistes certes, mais elles sont d'une banalité affligeante. L'ordinateur et les sites pornos, pourquoi pas, la déception d'un premier rapport, on peut en convenir, le fait d'un divorce de sa mère et d'un remariage, cela est peu probable sans problèmes familiaux. En un éclair le réalisateur nous suggère une relation entre la mère et un proche de la famille mais le prétexte semble tomber à l'eau. Donc je ne trouve franchement pas le point précis qui peut rendre cette situation plausible. Le réalisateur se veut alors bienveillant et tente d'esquisser une leçon poussive et conventionnelle à souhait. Le psy va tenter de cerner la personnalité d'Isabelle mais tout en restant très flou. Nous en venons à la leçon de morale de la police sur les sites pornos mais tout cela reste également sans grand intérêt. Le film se décompose en quatre saisons afin certainement de suivre l'évolution de la personnalité de notre jeune lycéenne. L'idée aurait pu être bonne mais là, nous nous retrouvons dans une impasse devant la platitude des arguments. La bonne idée tombe à l'eau.


Qu'il est loin Luis Bunuel avec "Belle de jour". François Ozon, lui, n'a rien à dire, rien à justifier et ce film en devient insignifiant. Le seul souffle bienfaiteur arrive en toute fin de bobine avec l'apparition de la sublime Charlotte Rampling qui nous offre la meilleure scène. Je vais également donner une mention à la jeune Marine Vatch pour le personnage d'Isabelle, plus pour son courage de tenir un tel rôle que pour son talent de comédienne, et puis c'est tout. Pour en terminer, à la vue de cette oeuvre mineure peu aboutie je me pose une question inquiétante pour le cinéma français: était-il bien utile de la présenter à Cannes et aux Oscars ? Décidément François Ozon a bien du mal à me convaincre.

Grard-Rocher
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le 3 juil. 2014

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le 20 avr. 2014

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