L'équilibre parfait !

(Spoiler alert)
J'ai lancé le film en pensant simplement rire devant des blagues sur fond de Seconde Guerre Mondiale et de nazisme (un peu à la manière de : Il est de retour de David Wnendt). Mais il surpasse ce dernier en tout point.
C'est bien plus qu'une comédie feel good, un petit Nicolas au pays du nazisme...
Jojo Rabbit trouve l'équilibre parfait entre le rire et le drame. Son humour est toujours juste. L'humour sert le récit, par son ton satyrique. Taika Waititi décrit parfaitement cette fin de seconde Guerre Mondiale en Allemagne, et son absurdité. Cette même absurdité sur laquelle reposait le régime nazi, son idéologie et ses protocoles que le film pousse au ridicule durant ses deux heures de film.
Le métrage arrive à faire rire, tout en rappelant souvent que la toile de fond devant laquelle s'exerce cet humour est bien plus sombre.
Il y a un équilibre parfait entre la comédie et le drame, le Feel Good et l'horreur de la guerre.
L'introduction du film est super pour illustrer ce décalage. La musique des Beatles mélangé aux images d'archives de foules galvanisés par Hitler.

Le film est parfaitement porté par ses acteurs. La cohérence des personnages, de leurs relations les rende tous sympathiques et attachants !
Taika Waititi s'éclate en Adolf Hitler. Il rend cet ami imaginaire sympathique, drôle et arrive à lui faire suivre un véritable arc narratif, donnant une vraie évolution à ce personnage si particulier. Scarlett Johansson est également excellente, d'une douceur parfaitement en adéquation avec son rôle de mère. La scène où elle va dédoubler sa personnalité, se couvrir le visage de suie de cheminée justifie à elle seule sa nomination à la dernière cérémonie des Oscars.
Et énorme bravo à Roman Griffin Davis qui campe à merveille son rôle de Jojo ! J'ai rarement vu un si jeune acteur jouer aussi bien (surtout un rôle prenant place dans un monde si adulte qu'est la guerre et la politique). Ce personnage est presque le plus charismatique à l'écran, chose qui n'est pas aisée quand on partage la vedette avec des Scarlett Johansson, Taika Waititi ou encore Alfie Allen ! Il porte le film à merveille, maîtrise une palette d'émotions très large. En l'espace de deux minutes à l'écran, il arrive à passer d'une véritable joie, à l'étonnement, tout en mêlant tristesse et colère avec une grande justesse. Il est également parfaitement casté, son visage enfantin colle parfaitement à l'imagination débordante de Jojo. Sa relation avec la jeune juive, est également captivante. Leur évolution est parfaitement amenée et construite.

La mise en scène n'est pas des plus exceptionnels mais elle est vraiment plaisante. L'univers ultra coloré de Taika se mêle très bien à la noirceur de la Guerre. L'utilisation de couleur pastel crée un décalage avec le récit, à l'instar de l'humour sur des sujets aussi complexes. La réalisation représente à merveille ce qu'est Jojo Rabbit : un équilibre parfait.

On est presque parfois sur un anti-film de guerre. Dans le poème "Le mal" de Rimbaud, le poète montrait l'absurdité de la guerre, en la dépeignant comme inutile, inhumaine et en réduisant les morts aux combats à "un tas fumant" et broyer. Loin de la vision héroïque que l'on donne souvent à la guerre ! Ce poème détruisait le mythe du preux chevalier guerroyant pour le bien. Sous ses traits de comédie, Taika Waititi et son film envoie le même message qu'Arthur Rimbaud deux siècles plus tôt. Dans le climax du film, on assiste à des scènes de combat. On est alors aux antipodes de 1917 de Sam Mendes, où le héros brave le champ de bataille de manière héroique alors que des centaines d'hommes courent au combat. Dans Jojo Rabbit, il n'y a pas de valeureux soldats se battant pour la patrie. Basé sur des faits historiques réels, Taika filme ici avec légèreté des enfants d'à peine 10 ans portant des armes bien plus lourdes qu'eux , envoyés au combat en tant que chair à canon ! C'était ça la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Des enfants à qui on donnait une arme automatique et qu'on envoyait combattre pour l'Allemagne.
Le fond est terrible, la forme est amusante. C'est là tout le génie du réalisateur. Arriver à faire rire en filmant des enfants soldats, se faisant massacrer par des américains et des russes. Voilà la toile que dresse Taika Waititi sur la Guerre. C'est absurde, il n'y a pas de héros et c'est toujours bon de le rappeler.
Le film trouve donc son utilité en ces temps de tensions, et de recrudescences d'idéologie extrémistes et belliqueuses.
Il faut également souligné et saluer le non manichéisme du film ! Dans bien trop peu de films, sont mis en avant les allemands résistants. Non, tous les allemands n'étaient pas nazi, ni HitlerMania! Le personnage de Scarlett Johansson en est qu'encore plus excellent en découvrant ses actes de résistance qui la mèneront à une fin émouvante. Le capitaine Klenzendorf est également une belle illustration ce non manichéisme trop souvent vu dans le cinéma américain traitant des deux conflits mondiaux. Par ailleurs, le fait de voir le conflit par le prisme allemand est également assez rare pour être souligné.

Je pense que c'est un film, dont il est très facile de passer à côté. Il faut regarder en profondeur ce que veut transmettre son réalisateur. Il y a toute une satyre dans le film. Mais également toute une poésie qui s'en dégage. L'imagination de l'enfance, la recherche d'identité, l'absence de figure paternel, la vision d'une guerre à travers les yeux d'un être innocent, l'entraide...Tant de thèmes abordés qui m'ont touchés et m'ont fait adorer ce film !
Ce film est important à voir.

A regarder sans modération.