Sans réellement briller sur petit ou grand écran, Jake Kasdan parvient à regrouper derrière lui des projets que le grand public ne boude pas. Le genre d’action décomplexé est très tendance dans un univers où les écrans occupent la quasi-totalité de notre quotidien. La recette « foncer dans le tas et faire un maximum de dégâts » convient fortement à son dernier film, qui souffre indéniablement de punch. Tout en considérant que l’œuvre tend à divertir à outrance, il y a pourtant des éléments qui sont négligés.
L’ancrage dans le monde du jeu vidéo empêche le thème même de Jumanji d’exploiter son contenu comme il le faudrait. Cela dit, seul le concepteur est à blâmer, alors que les différents acteurs sont eux-mêmes victimes de leur personnage stéréotypé. Bien entendu, le film prend des libertés à en capter l’attention des gamers, matières premières de cette fanfare qui sonne faux mais qu’on apprécie pour son aventure loufoque. Ce qui est à déplorer, c’est cette profonde utilisation de la pop culture en soutien du rythme qui fait clairement défaut au récit. La nostalgie du jeu aurait suffi, mais le nouveau concept imposait trop de nouvelles règles pour que le réalisateur les respecte toutes. D’une part, il s’agit d’un bon challenge, d’autre part, ce n’est qu’une maladresse qui ne se dissimule pas aussi bien qu’il ne l’aurait pensé.
Les héros sont des personnages prédéfinis dans leur domaine d’expertise, mais ce que chacun apporte de l’extérieur du jeu, c’est une forme de culture qui les rendra complémentaire en retour. Le scénario se veut beaucoup trop facile pour que l’on prenne au sérieux une quête aussi limitée. Si jeu vidéo il y a, game over il peut exister. Le film travaille sans cesse cette notion de durée de vie. L’impact que cela pourrait engendrer importe peu à beaucoup, mais la démarche autoguidée n’est pas la meilleure manière d’aborder le développement des personnages. Certains baignent dans leur absurdité du début à la fin, mais d’autres changent juste de facette sans que l’on prenne le temps d’en étudier le sentiment. La sensation de « speed run » est forte alors que Jumanji regorge encore d’un potentiel enfoui. Il y a tant à exploiter, mais on préfère se limiter à la fine équipe, donc la comédie ne déserte aucune interaction. Une justification de type buddy movie s’installe peu à peu afin de prévenir le manque de consistance chez les personnages.
« Jumanji : Bienvenue dans la jungle » ne s’envole pas, mais mérite un petit coup de pouce pour qu’on en jauge la qualité. Visuellement, cela semble assez indigeste et on comprendrait tout à fait le délire. Or, l’âme du projet permet de ne pas trop y faire attention, laissant à une potentielle suite d’endosser toutes les mises à jour détectées au terme d’une aventure sympathique, mais trop redondante dans la forme pour que l’on puisse en apprécier l’originalité. The Rock et toute sa troupe interprètent divinement leurs personnages aussi déjantés qu’efficaces. Malheureusement, le chapitre premier se solde avec un arrière-goût de version beta dont on aurait aimé l’immersion la plus bluffante et la plus amusante.