Le nouveau film tant attendu de Dolan fait beaucoup parler de lui, aussi bien décrit comme insupportable que remarquable. Effectivement, Juste la fin du monde est aussi agaçant qu'intense, soporifique qu'incroyablement stressant.
Insupportable car cette famille est le stéréotype même que les psys adorent: régie par les non-dits et les rancoeurs enfouies.
Agaçants sont les personnages, avec une mention spéciale pour Catherine (Marion Cotillard), épouse soumise et balbutiante, mais bienveillante, clairvoyante, impartiale, si parfaite qu'elle en devient exaspérante, bien évidemment c'est elle qui a compris ce qui se passe quand les autres n'y voient que du feu. Lesdits autres ne sont guère plus sympathiques: Vincent Cassel qui décidément est né pour les rôles de connard, Nathalie Baye en mère hystero et tape à l'oeil, Léa Seydoux en paumée, sans oublier naturellement, last but not least, Gaspard Ulliel, le ténébreux héros.
Soporifque est la mise en scène, les gros plans si chers aux films d'auteur, les silences pesants, les bégaiements, les excuses à n'en plus finir (je crois que ce film détient le record du nombre d'"Excuse-moi")...
Et pourtant... Remarquable est la psychologie des personnages, sans jamais en donner la clé, on s'attache à cette famille qui est en fait écrasée par la peur. Au connard qui se révèle être sans doute le plus vulnérable de tous. A la mère qui derrière ses apparats est si consciente de son sort, bouleversante dans sa solitude. A cette fumeuse de joints qui rêve de partir, mais qui reste. A la belle-soeur qui déploie des efforts insensés. Au héros dévasté par l'angoisse et la nostalgie, dont on comprend au fil des minutes qu'il n'est pas ténébreux, mais seulement une ombre. L'ombre de la mort, de lui-même, ou d'un passé familial dont on ne sait rien mais dont on devine la terrible portée.
Authentiques sont les émotions dépeintes, toujours avec fracas ou maladresse. La séquence où, sur un air de "Dragostea din Tei" (il fallait oser!), Louis se trouve en proie à une mélancolie fulgurante, est particulièrement intense.
La tension monte, le stress atteint son paroxysme, et puis... Voilà.
Peut-on échapper à son histoire? Est-on obligé de dire la vérité à ses proches quand celle-ci est meurtrière? Comment composer avec les failles, les secrets, et l'amour si malmené de sa famille? Est-on un jour prêt à faire face à l'inéluctable? Voici quelques unes des questions que soulève ce magnifique film.