Après avoir instantanément marqué les esprits dès son premier tire, avec un huis clos bavard et sanglant, Reservoir Dogs, le cinéaste américain au nom unique et désormais culte, Quentin Tarantino a su enchaîner avec un monument du cinéma américain, le pop et jouissif Pulp Fiction.
Une carrière si bien lancée, qu'elle continue, en 97 le monsieur nous livre son adaptation du roman Rum Punch avec un Jackie Brown moins fracassant dans sa filmo, et pourtant la pépite est bien là.
Après trois réussites d'affilé, le trip Tarantinesque allait quand même faiblir un brun non ? A ça je me répondrais à moi-même : "mange ta soupe et gratte toi le cul...", j'aurais bien raison, puisqu'en 2003 et 2004 Quentin Tarantino sortira son œuvre la plus riche.



1 : Unchained



Kill Bill, le titre est lâché, et il balance sévèrement, simple, efficace, la classe, sauf au québec où il se transforme en Tuer Bill, bon là j'ai envie de dire : "Mange ta poutine et - CENSURÉ -".
Jugé trop long, le métrage dû être coupé en deux à sa sortie, voilà pourquoi dans l'inconscient collectif on cause souvent de Kill Bill 1 et 2. Les un peu plus pointilleux préféreront rajouter le terme "volume" avant le 1 et 2. Les plus chiants mais les plus respectueux parleront simplement de Kill Bill, puisqu'il s'agit bel et bien d'un seul film, le quatrième du cinéaste. C'est même écrit dans le générique !
Il y a pourtant bien une raison pour laquelle nous ne causons rarement que d'un seul film, pour la simple et bonne que nous n'avons jamais, nous peuple, pu poser les yeux sur la version totale.
Le Festival de Cannes a pu lui lors d'une projection présenter ce montage, il a aussi pu être vu par une poignée de cinéphiles dans un cinéma américain. Tristement, la promesse de voir ce Kill Bill: The Whole Bloody Affair sortir en galette DVD/Blu Ray un jour, s’épuise, elle devient fantomatique comme l'a longtemps été la possibilité de voir débarquer un Kill Bill 3.


Il n'en fallait pas moins le courage de petits gens de l'ombre, prêt à rétablir la justice cinéphilique horriblement bafoué. Ainsi, sans coller à 100% au montage original de Tarantino, une édition de fans traîne quelque part et se rapproche au plus près de l'idée du cinéaste.
Voici la liste des modifications apportées par ce montage non officiel :



  • La dédicace à K. Fukasaku et le proverbe klingon sont tous deux inclus

  • Un nouveau titre et des crédits ont été créés.

  • Des plans alternés sont utilisés pendant la scène dans la cuisine de Vernita.

  • Scène d'animation étendue avec extra gore.

  • Plus longue prise de Gogo éviscérant un homme.

  • Ext. se battre avec le Crazy 88, entièrement non coupé et en couleur.

  • Ext. scène de Sophie Fatale se coupant l’autre bras et dialogue supplémentaire.

  • Pas d'interruption entre les volumes 1 et 2.

  • Les crédits ont été supprimés et la transition a été complètement rééditée.

  • Séquences de Firecamp étendues avec flashbacks Pai-Mei

  • Réinséré scène supprimée de Bill en train de combattre Michael Jai White et ses crétins.


En somme, malgré une édition légèrement éloignée de celle de Tarantino, qui lui avait notamment supprimé une scène toujours présente dans ce montage ci, nous disposons là de la plus totale des versions, pour le moment...



2 : Superman



Tout amateur du réalisateur américain sait qu'il s'agit d'un cinéaste de la parole, du jusqu'au boutisme, du sanglant, du kiff, du jouissif, de la coolitude, mais également et évidement, de l'hommage.
Certains ont beau reprocher cet aspect, allant jusqu'à qualifier Tarantino de pompeur, de copieur... Il ne faut pas avoir vu ses films pour lâcher du navrant pareil. Tarantino est un maître, il s'inspire, fortement certes, mais n'a jamais prétendu inventer ce qui l'a inspiré, il rend hommage, le plus purement possible la plupart du temps. Ça se voit, ça se sent et ça se respecte.
Quand je disais plus haut que nous avions affaire ici à son œuvre la plus riche, c'est que déjà avec ses 4h02 nous sommes sur son plus long métrage, et surtout qu'il y éparpille tout son amour pour le cinéma. A travers les dialogues, citations, son casting, ainsi et surtout de l'ambiance.


Flagrance totale qu'ici l'ambiance tend du côté du japonisme. Uma Thurman dans sa tenue jaune, renvoyant immédiatement à Bruce Lee, trace sa vengeance sur 10 chapitres, faisant couler apparemment 500 litres de faux sang au passage, c'est beaucoup 500 litres.
Toujours amusant de savoir que l'idée première du futur film Kill Bill est née sur le plateau du cultissime Pulp Fiction.


Entre film de samouraï, kung fu et animation, Tarantino se lâche royalement et déclare son amour pour ces univers. Ainsi que d'un autre, le western. En effet, 10 ans avant de livrer son premier vrai western, avec un magistral Django Unchained, l'américain livrait déjà quelques images poussiéreuses et maîtrisées ambiancé par la ziq d'un certains Morricone.


Le genre du super héros n'est pas sans reste non plus, puisqu'à travers une citation renvoyant à Star Trek, des look typé Le Frelon vert et un monologue brillant sur Superman, le cinéaste enrichie son film de par sa culture, sans tomber dans un mash up grotesque.



3 : Only Bride Forgives



Kill Bill s'ouvre dans un sublime noir et blanc sur une mariée au sol, le visage ensanglanté, brutalisé, une voix masculine lui parle, c'est Bill, on ne le voit pas mais il est là, elle tente de lui avouer une chose avant qu'il lui flanque une balle dans la tête.
4 Ans plus tard, madame X dont le nom est censuré pendant une bonne partie du film, pour se révéler plus tard, Beatrix Kiddo, n'a qu'une idée en tête, venger son bébé, son futur mari et ses amis, tous tués par la bande de Bill.
Il faudra 10 chapitres pour arriver à ce final bavard et absolument brillant, le dixième nommé "Face to face" est un des meilleurs du film, la confrontation Beatrix AKA The Bride (la mariée) et son bourreau, Bill, est d'une maîtrise inouïe. A base simplement de dialogues étirés pour notre plus grand plaisir et de plans fixes soignées, Tarantino clos son film encore plus malignement que s'il avait fini sur un combat virulent et gratuit.


A travers un parcours vengeur allant des terres de l'art martial aux collines arides pour finir sous les palmiers, le cinéaste nous offre ici l'un des films les plus féministes sans qu'il soit pour autant larmoyant et pompeux, bien au contraire. Après Jackie Brown où la femme forte était déjà à l'honneur, Tarantino la rend encore plus forte, presque imbattable.
Finissant le film sur ce magnifique et juste texte : La lionne a retrouvé son petit, et la paix revient dans la jungle.


Kill Bill est un film fort, riche, drôle et terriblement jouissif, bon sang les poils et le sourire aux lèvres en entendant certains morceaux puis en se retrouvant devant des scènes mythiques.
Et oui, quand on cause Tarantino, on cause cinoche mais forcément aussi musique, ici sur 4 heures ça envoi superbement. J'avais tendance à sous-estimer la BO de ce film mais pourquoi ? Entre les reprises de Morricone, les morceaux pondus par RZA et Robert Rodriguez, la ziq ultra kiffante du groupe The 5.6.7.8's et j'en passe, ce Kill Bill rayonne musicalement. C'en est presque une hymne, rendant hommage à deux œuvres telles que la musique et le cinéma, il les réunit comme à chaque fois brillamment.



4 : We Deserve to Die



Quel que soit le morceau de cinéma que nous apporte l'américain, il se gâte et a bien raison, d'un casting fou.
En toute logique, Uma Thurman, tête d'affiche blonde gravée à jamais dans la pierre Tarantinesque. Elle crée en collaboration avec Quentin et trouve ici son plus beau rôle, fort, touchant et culte. Doublée pour les cascades par Zoe Bell, cette dernière tournera ensuite dans Death Proof et deux autres Tarantino en tant qu'actrice.
Lucy Liu et Vivica A. Fox sont les deux premières cible de la mariée, si Vivica n'aura que peu de temps à l'écran, elle se targuera d'être le combat d'ouverture du film. Lucy disposera quant à elle de la place la plus importante, son personnage ayant droit à une séquence animée et un combat aussi brutal qu'onirique. Après une mémorable boucherie face aux Crazy 88.
Michael Madsen dans sa classe éternelle joue au cowboy ringard mais pas si bête. Le chapitre qui lui est dédié est particulièrement top, sa caravane, son gros sel, sa chique, son chapeau, et la tombe de Paula Schultz, dans laquelle il enferme Uma. Paula, femme du Dr. King Schultz incarné par Christoph Waltz dans Django Unchained.
La vicieuse et fourbe Daryl Hannah sera une ennemie de taille pour la mariée, le combat dans la caravane de Budd est tellement cool.
Quant à Bill, rôle un temps pressenti pour Kevin Costner et surtout Warren Beatty, c'est au fabuleux David Carradine qu'il sera donné, et aujourd'hui, qui verrait quelqu'un d'autre à sa place ? Franchement ! Il apporte tellement à ce personnage, une sensibilité, une logique, une âme, aussi sombre et retord soit-elle. Puis c'était l'acteur de la série Kung-Fu, donc une évidence que de l'avoir ici.


Dans la pure tradition et l'hommage, Sonny Chiba, célèbre acteur japonais raisonne ici à travers un personnage clé, celui d'Hattori Hanzo. Gordon Liu quant à lui s'occupe d'incarner deux rôles, celui du chef des Crazy 88 et du fameux maître Pai Mei.
Tout comme Michael Parks qui avant d'incarner Esteban Vihaio en fin de film, reprend son rôle de Une nuit en enfer, rôle qui le suivra sur quelques films. A ses cotés se tient James Parks, son fils et futur acteur de ****The Hateful Eight**, toujours de **Tarantino.
Larry Bishop et Julie Dreyfus sont également de la partie, tout comme la folle Gogo interprétée par Chiaki Kuriyama, actrice découverte dans Battle Royale, d'où le costume d'écolière qu'elle arbore une fois encore ici.
J'en oublie forcément, mais je n'oublierais pas l'évidence, Samuel L. Jackson, toujours présent, même de dos et en noir et blanc.



5 : Ça va trancher chérie



Kill Bill: The Whole Bloody Affair est donc une œuvre totale, qui séparée en deux perd de sa superbe, si les changements entre les versions sont minimes, le voir d'une traite renforce le visionnage selon moi.
La réelle sensation d'avoir affaire à un seul et même film n'est que plus forte, plus sensé aussi. Ce quatrième film de Quentin Tarantino est une œuvre complète, folle, acharnée, jouissive et belle. Le respect des langues est toujours là, Japonais, chinois, français et anglais, j'en oublie peut être. L'entrainement du casting fut intensif, entre le maniement du sabre, la muscu et bien sûr les arts martiaux, aidé par Sonny Chiba et Yuen Woo Ping, mais il aura valu le coup. Tarantino lui-même aurait également suivi cet entrainement pour être au plus près de ses acteurs.


Un travail incroyable pour un résultat mémorable, doté d'effets spéciaux à l'ancienne, pas de CGI, boosté par la passion et la pellicule fraîche en somme.
J'allais oublier de parler photographie, sublime de Robert Richardson, sachant capter l'hommage à merveille, sachant surtout jouer avec les couleurs et passer d'une ambiance à une autre en fonction des chapitres. Le plus classe reste à mes yeux le flash back avec Pai Mei, les couleurs ternes légèrement surexposées avec le contraste poussé, magnifique !
Kill Bill est fou à tous les niveaux de toute manière, l'ambiance sonore souvent volontairement abusive voire grotesque apporte un aspect old school et cartoon fascinant et amusant.


Alors sans pour autant être mon Tarantino favori, ce chef d'œuvre reste son film le plus complet, le plus riche.

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le 10 déc. 2018

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-MC

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