Ah Matthew Vaughn ! Depuis Layer Cake, tu me fais plaisir à chacun de tes films, et aujourd’hui, tu es devenu quelqu’un de précieux. Si Kingsman n’est pas un chef d’œuvre, il est néanmoins trop bon pour que je m’attarde sur quelques menus défauts. Quitte à prononcer un discours de vieux con, je suis de plus en plus lassé par la platitude des blockbusters actuels se soumettant à deux modèles de formatage : l’ « adulte », très sérieux, peu excitant (The Dark Knight, Man of Steel, Skyfall…) et le « familial » plus fun, plus gamin (Avengers, Les Gardiens de la Galaxie…). Et sauf quelques exceptions (Edge of Tomorrow, par exemple), rien qui tente de se marginaliser en brisant ces formules.
Et c’est là que Kingsman devient salvateur.

Le cinquième film de Matthew Vaughn est un pastiche de film d’espionnage à l’ancienne, à base de gadget et de méchant voulant dominer le monde, en décalage donc avec ce que le genre nous a proposé ces dernières années avec les Bond de Daniel Craig ou les Jason Bourne. Un genre dans lequel Kingsman s’invite avec sa propre mythologie : une cellule d’espionnage indépendante fondée par d’anciens tailleurs fortunés cherche à faire régner la paix avec sa petite armée de gentlemen nommés d’après les chevaliers de la Table Ronde. Après la mort de l’un d’entre eux, l’agence cherche une nouvelle recrue, parmi lesquelles Eggsy, jeune défavorisé et fils d’un ancien agent mort au combat. Pendant ce temps, un milliardaire, génie de l’informatique prépare un plan pour éradiquer une bonne partie de l’espèce humaine.
De la formation à l’aventure, le scénario de Kingsman avance à sa manière dans le parcours balisé du film d’espionnage. Le film s’amuse à détourner les codes de façon intelligente et avec beaucoup d’amour, mais aussi avec suffisamment de subversion pour surprendre constamment le spectateur, sans que ce soit au détriment du cœur du film. Il atteint son apogée lors d’une fusillade ultra violente dans une église où le fun et l’ivresse se confondent avec le malaise d’une scène, sans trop vous en dire, très dérangeante moralement. Vaughn nous bouscule en ramenant les enjeux dramatiques au sein du plaisir primaire de l’action, dans un submergement d’émotion, privé de tout cynisme.

De Kick-Ass à Stardust, en passant par X-Men Le Commencement, le réalisateur britannique a toujours su mettre en scène ses histoires en évitant les platitudes et en sachant faire monter la pression avant de nous faire jouir en lâchant la bride. Il est d’ailleurs bien aidé par le chorégraphe Brad Allan, membre de l’équipe de Jackie Chan, ayant déjà travaillé pour Edgar Wright sur Scott Pilgrim et Le Dernier Pub Avant la Fin du Monde (et oui !!!). Grâce à la persévérance de la méthode asiatique, les scènes de combat sont un régal d’inventivité, de fluidité et de dynamisme, même si on peut cependant reprocher à Vaughn de les filmer avec moins de virtuosité que Wright, en abusant parfois de zoom numérique et de mouvement de caméra inutile quand ce qu’il se passe à l’écran se suffit à lui même. A noter, parce que peu de gens en parle, Allan nous gratifie également d’une scène spectaculaire de chute libre, filmée pour de vrai avec un minimum d’effet spéciaux !

Et comme si cela ne suffisait pas, aussi amoral qu’il puisse être, Kingsman peut se targuer d’être au fond très progressiste. Les personnages féminins, coincées dans leurs rôles de faire-valoir qu’impose le genre, se révèlent à chaque fois plus compétentes que leurs partenaires masculins. Il est également intéressant de juger le film par son aspect « lutte des classes » puisque le héros prolétaire en costume de gentlemen, se bat contre un milliardaire déguisé en gangsta, avec au milieu ces chevaliers modernes défendant les pauvres contre l’élite, jusqu’à ce que tout cela se termine sur un magnifique bouquet final réjouissant de nihilisme.
N’oublions pas non plus les acteurs, avec un incroyable Colin Firth débordant de charisme en espion aussi doué au combat, qu’à cheval sur les bonnes manières, et réalisant la plupart de ses cascades ! Taron Egerton interprète un Eggsy attachant, incarnant aussi bien le hooligan que la classe british. Samuel L. Jackson, Mark Strong, Sofia Boutella, Sophie Cookson, Michael Caine, Jack Davenport et Mark Hamill complètent parfaitement ce casting très solide.
Bref, Matthew Vaughn nous régale avec ce divertissement à la fois fun et adulte mais surtout très rafraichissant !
Belloq
9
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le 9 mars 2015

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Belloq

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