Kingsman ... bof, encore un film d'espionnage. Une comédie d'espionnage potache, bonne mais peu prétentieuse. Bonne à faire tourner Jackson et Firth en Kananga et James Bond.
C'est du moins ce que je pensais.


D'un point de vue purement diégétique, le film est une intéressante rencontre entre le 007 classique et un mix de Men in black (dont on retrouve beaucoup d'étapes scénaristiques


le mentor et sa recrue improbable (liés par le passé mais ça, c'est du domaine de MIB 3), la disparition du mentor en fin de film, le méchant plouc, les épreuves d'admission, le protocole d'amnésie (du neurolaser à la montre à fléchette)


) et de X-men (Vaughn ayant réalisé la saga préquelle des héros mutants). Intéressant, rafraîchissant et bien meilleur que le mièvre Alex Rider d'Horrowitz auquel certains l'auront sans doute comparé.
Cet improbable mélange accouche d'un exceptionnel nouveau-né: le Mission: impossible à l'anglaise où les Agents secrets s'habillent comme John Steed, se battent comme John Steed qui aurait aurait pris quelques leçons chez Jason Bourne et tirent leurs noms de code du Roi Arthur et des chevaliers de sa table ronde.
C'est donc sans surprise que le chef du service se nomme Arthur, que l'on cherche un nouveau Lancelot et que les deux mentors qui veulent le meilleur successeur possible soient Galaad et Perceval.


Car, dans la légende, ces deux chevaliers recherchent le Graal. Le Graal, c'est les individus capables du meilleur d'eux-mêmes.
Et c'est en cela que l'on touche au message du film: c'est l'individu qui décide d'être le gentleman ou le vaurien, pas la société ni l'extraction sociale. Et c'est ce que Eggsy, le petit protégé de Galaad, va découvrir à travers son aventure. Le message est confirmé par la chanson générique: "my ennemy is inside me". Néanmoins, le message passe mal, alternant les invitations à la perfection individuelle loin de la paranoïa de l'apartheid social et l'antithétisme caricatural et répétitif des deux mondes qui s'opposent au nez et à la ... du jeune héros: le monde violent mais honnête du pauvre Eggsy et le monde menteur et altier des Kingsmen. Malgré une volonté de dosage évidente, la confrontation sociale forme un bruit qui amuït le message voulu.


Mais le vrai trésor de ce film est dans sa foule de messages métadiégétiques et dans sa furie allusive. Laissons le spectateur se lancer à leur piste.
Je soulignerais les plus forts comme le dîner entre Galaad et Valentine, le grand méchant de l'histoire, qui comme à bon nombre d'endroits, fait référence au cinéma d'espionnage dont on observe actuellement un nouvel âge d'or, perdu depuis les années 60. Il ressort deux problématiques de la discussion entre les deux antagonistes soupant en hommage de Pulp fiction autour de burgers: l'ancien James Bond était meilleur, car il acceptait une fantaisie que se refuse le nouveau par crainte de la parodie (Merci Austin, tu n'es pas si Shwaggy que ça!)... faut-il revenir au 007 d'antan? et, le méchant, noir, se considérant comme un bienfaîteur et s'identifiant à James Bond, faut-il un James Bond black?
Plusieurs réponses seront disséminés dans le reste du film pour ce qui est de la première question et notamment lorsque Valentine tue Galaad après lui avoir assurer qu'il aurait préféré se comporter comme dans un James Bond mais qu'il ne peut pas le faire n'étant pas dans ce genre de film. La mort du personnage de Firth paraît si ignoble que Jackson semble faire comprendre au spectateur que la fantaisie bondienne vaut mieux que la réalité sanglante bournienne qui fait vomir son personnage, pourtant méchant.
Ce qui nous ramène au message de Galaad à son apprenti, Eggsy, auquel il dit qu'être un gentleman n'est pas une question de langage mais une question de règle à respecter: celle du film d'espionnage à l'ancienne? Galaad ferait-il une métalepse pour dire au spectateur: le cinéma d'aujourd'hui manque de classe, non pas par modernisme mais par propension à l'écart artistique?


Toujours est-il que le cinéma d'espionnage - résumé avec les noms du chien JB au trio James Bond, Jason Bourne, Jack Bauer - et le cinéma en général - avec sa violence, sa volonté de différer avec ce qui a toujours plu - sont mis en question dans ce film sympathique qui cèle un recul sur le septième art actuel et sa réception sous un dehors volontairement accessible et simpliste.


Point à la fois fort et faible du film: le casting.
Un casting qui le fait briller mais qui fait aussi bling bling.
Si Samuel L Jackson campe un un Valentine délicieusement ridicule et zozoteur, Colin Firth un quasi 007 impeccable, Michael Caine un Arthur assez surprenant, Strong un Merlin provocateur et chef instructeur, Mark Hamill - Luke Skywalker qui rencontre le temps d'un éclair Mace Windu - et Jack Davenport - je suis vieux, je l'ai vu jeune dans Pirates des Caraïbes! - font des apparitions furtives et semblent n'être que prétextes à allusions et à enfler le flots des vedettes du film. Dommage.


Kingsman est donc à prendre comme un regard critique sur le cinéma, le cinéma d'espionnage et sur James Bond.
Il pointe du doigt la réussite d'un Mission:impossible qui se désintéresse du nombril d'Ethan Hunt, son héros, pour s'emparer du terreau fertile de l'actualité géopolitique. Comme Cobalt, le méchant de M:I 4, mais dans la perspective transhumaniste de Bertrand Zobricht, le méchant du dernier Dan Brown, Inferno, et s'inscrivant dans la droite lignée du Drax de Moonraker, le méchant de Kingsman


entend mettre un terme de façon éthiquement discutable à la surpopulation mondiale.


Il encourage donc la saga du célèbre agent britannique à s'éloigner des théories du complot bourniennes et du nombrilisme mendésien (comment James Bond est devenu James Bond? Et qui pendant ce temps sauve le monde?) pour renouer avec la mégalomanie onirique de ses plus grands volets et retrouver son public.


Un film très complet qui s'adresse à un large public, à un public plus spécialisé, qui lit entre les lignes et qui s'y connaît en espionnage et au public des fans de la première heure de 007 qui se sente perdu devant l'iconoclasme incessant de la période Daniel Craig, qui se soucie trop de son image et du politiquement correct et pas assez de son vrai public et des questions d'actualité auxquelles il pourrait comme dans les années soixante répondre de façon rassurante.


Vous voulez retrouver le 007 de vos tendres années, vous voulez connaître les débats de l'actualité cinématographique, vous aimez les clin d'oeil, ce film est fait pour vous: rezjoignez les Kingsmen!

Créée

le 12 sept. 2015

Critique lue 580 fois

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Frenhofer

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