nov 2010:

Bon sang, cela faisait belle lurette que je n'avais pas vu ce film! J'avais gardé un souvenir disons mitigé, pas vraiment convaincu mais animé d'une certaine flamme, celle de l'indulgence, parce que Belmondo, parce que Bruno Crémer, parce que de l'action, etc, mais cela restait malgré tout plutôt flou. Aujourd'hui, je saisis mieux mon embarras.

Philippe Labro et Jacques Lanzmann nous ont concocté un film d'adultes restés scotchés à leur enfance. L'infantilisme du scénario se lit partout : dans le simplisme des dialogues parés de gimmicks que l'on croit accrocheurs ("coco" ou bien le tueur qui siffle) et dans l'histoire elle même très peu crédible d'un flic en free-lance qui défouraille à tout va, une sorte de chasseur de prime d'État, avec un portrait qui lorgne du côté de la mythologie plus que du réalisme (du genre... "chasseur de grands fauves, il ne lui restait plus qu'à traquer la proie la plus coriace, l'homme, pour satisfaire son appétit de dangers").

La structure du récit assemble donc des éléments presque disparates, des sous-films, comme un patchwork forcément inégal de petites histoires indépendantes, qui rendent hommage ou copient (rayez la mention inutile) à différents films ou genres avec dans le désordre le film d'évasion, le western ou "The getaway". Labro élevé à l'Amérique au biberon veut faire un film américain à sa sauce, à la française. Même la musique de Michel Colombier a des airs morriconiens, malgré l'assise franchouillarde qui rappelle les orchestres de bals populaires ou de fêtes foraines.

De fait, un personnage est en tout point remarquable et sauve le film, c'est celui que Bruno Crémer interprète avec une force impressionnante. Surtout, il parvient à allier à une froideur plus qu'effrayante une espèce de mystère, tout à la fois emprunt de violence et de douceur, une ambiguïté qui fout les jetons. Ce meurtrier sans pitié est un homosexuel qui n'a rien d'une folle. Ouf, c'est heureux, voilà un cliché qui nous aura été épargné pour une fois!

Ce qui pouvait encore attirer l'attention quand j'étais minot, c'était également les assez bonnes scènes d'action. Le film n'est jamais ennuyeux. On est juste embêtés d'avoir à se coltiner des personnages aussi caricaturaux et des situations aussi peu originales.

Un film musclé donc, essentiellement organique, bas de cervelle, sans nuances, en manque de finesse, à la simplicité factice.
Alligator
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le 15 avr. 2013

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Alligator

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