Au début des années, alors que les studios de production américain font face à une crise financière critique et que les productions voient leur prix flambé, c’est le moment ou le cinéma français connait un nouveau souffle à travers la rencontre et les débuts de nombreux critiques qui sont ensuite devenus réalisateur et auteur. Il y aurait beaucoup à dire sur les nouvelles techniques de narration employées et les histoires proches de la réalité sociale de l’époque dépeinte par ces films, ou les stars qui se sont fait un nom comme Jean-Pierre Léaud dans la saga de film Antoine Doinel.


Et quand on parle de la Nouvelle Vague, les cinéastes qui reviennent le plus souvent auprès des gens sont souvent les mêmes : Jean-Luc Godard, François Truffaut, Agnès Verda ou aussi Jacques Demy avec Lola. Et il y a aussi Eric Rohmer qui a mis plus de temps avant d’être reconnu par le public et les cinéphiles, ses premières œuvres n’ayant pas autant marqué les esprits de l’époque ou eu autant de succès avant Le Genou de Claire. Et pourtant rien que son premier film et ses 6 contes moraux lui ont permis de poser facilement les bases de son cinéma : la place du hasard, ambiguïté des rapports amoureux accouplé aux sujets sociales de l’époque ainsi que le rapport aux mœurs de notre société.


Si je devais parler de ses premiers films, je dirais qu’Eric Rohmer était un cinéaste majoritairement sobre dans sa façon d’aborder les rapports hommes/femmes tout en l’abordant de manière tantôt austère (La collectionneuse) ou plus charmante (Le Genou de Claire) en se penchant sur diverses personnalités de tel classe sociale. Certains me plaisent nettement plus que d’autres, et pour dire un premier mot sur son sixième conte : L’amour l’après-midi retrouve pas mal d’élément synthétisé des 5 précédents films sans pour autant en perdre sa personnalité.


Car oui, si Frédéric est aussi issue de la bourgeoisie (comme le personnage de Trintignant de Ma nuit avec Maud), il a une façon de pensée plus proche d’une personne ordinaire et donc plus identifiable pour le public. De même pour Chloé, qui est aussi l’opposé de Frédéric dans sa façon de vivre le plus librement possible (qui n’est pas sans faire penser à Haydée dans La Collectionneuse mais avec une approche moins renfermée).


Rohmer opte pour le point de vue masculin, là encore. A travers un prologue efficacement écrit et mené qui fait de nouveau étalage de l’économie de moyen du cinéaste très bien géré en terme de mise en scène (principalement composés de plan fixe plus ou moins long sur une scène de dialogue, d’un zoom sur un personnage, sur un geste précis ou suivant le déplacement des acteurs dans un espace restreint avec parfois une légère profondeur de champ), mais pas sans humanité dans la vie quotidienne de Frédéric en questionnant son rapport aux femmes ou attachement vis à vis de ces deux amis/amants à la fois semblable à tous et à chacun et individuel.


Après je ne vais pas non plus dire que je suis resté fasciné et happé tout au long, puisqu’en dépit d’une bonne gestion de moyen et d’une direction d’acteur juste, l’aspect verbeux d’un Rohmer a tendance à un peu moins me séduire que d’autres films également très porté sur le dialogue et l’échange (comme le cinéma de Woody Allen dans un tout autre style, ou certains films de Jacques Demy). Mais à sa décharge, Rohmer a une manière simple de filmer les échanges (qui font très naturel en principe, l’absence de musique y aidant) entre Frédéric et Chloé qui fonctionne très bien car ces échanges fait de moment plus insouciant et léger, et d’autres plus en rapport avec les thématiques du film avec un équilibre maîtrisé.


Que ça soit le choix de vie choisi par le héros ou celui ou celle qu’il côtoie, son questionnement vis-à-vis des mœurs de la société dans laquelle il vit, notamment avec son rapprochement progressive avec Chloé qui se traduit par des gestes un peu plus sensuel mais exécuté avec pudeur, des absences de la femme qui se font ressentir par le PDG, une ligne qui devient de plus en plus franchissable dans leur relation ami/amant mais toujours rattrapé par la réalité de la situation de Frédéric sans tomber dans le pompeux ou la lourdeur.


Ou même le rapport au corps là encore filmé de manière sobre et tendre par la caméra de Rohmer lorsqu’il effleure le corps de Chloé ou qu’il se retrouve à son tour confronté à un choix qui déterminera son avenir en amour


(et dont les connaisseurs de Rohmer sauront déjà la réponse).


Quelque soit le choix fait, même si on n’y adhère pas on le comprend sans mal.


Pour en finir sur L’amour l’après-midi qui a marqué le plus grand succès de Rohmer à l’époque en France, même s’il subsiste quelque moment de traîne à l’ensemble en termes de rythme, c’est une très belle façon de conclure son premier cycle de film. Ça vit, c’est sincère et bien porté par Zouzou et Bernard Verley tous deux justes niveau performance, le tour de la question est fait de façon complète sur leur manière de penser et ça ne m’a pas laissée insensible. En tout cas, je demande à en voir plus avec les films qu’il a entrepris par la suite.

Créée

le 17 avr. 2018

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