Queen et le cinéma, c’est très loin de se limiter qu’à ce projet de biopic autour de son chanteur Freddy Mercury et de l’émergence du groupe au cours des années 70. La présence du groupe passe tant par les chansons écrites au service de certains films (Highlander avec Who want to live Forever ?) que les films eux-mêmes citant leur titre à tort (Suicide Squad) ou à raison (une comédie culte des 90’s Wayne’s World ou le quatuor sympathiquement bêta reprend Bohemian Rhapsody dans une introduction hilarante, Edgar Wright citant Brighton Rock dans Baby Driver l’an passé ou Don’t stop me now dans Shaun of the Dead, Moulin Rouge avec la reprise de Show Must Go On par son casting ou encore Flash Gordon bien évidemment et tant d’autres).


Et qui les en blâmerait ? Queen, c’est juste génial, je vais pas me le cacher c’est un phénomène retentissant dont peu de groupe peuvent se le vanter, leur musique fait partie de ce qui a grandement marqué notre culture populaire à défaut de plaire à tous, et ceux qui les adorent ont au moins une chanson phare en tête.


Le projet n’en était que plus alléchant avec l’arrivée de Bryan Singer, mais c’est là que deux emmerdes interviennent : la négligence apparente de Singer pendant le tournage obligeant la FOX à le remplacer par Dexter Fletcher et la tristement célèbre affaire Weinstein qui n’a pas épargné Singer et a poussé la FOX à le renvoyer dans ce qui s’apparente maintenant à une chasse aux sorcières.
Les premiers retours à l’avant première mondiale sont très partagés, et sans vouloir faire le rabat-joie je ne considère pas que Bohemian Rhapsody (le film) rende honneur comme il le devrait au groupe.


Passé une courte introduction au live Aid à Wembley et avoir constaté le bon travail du chef opérateur Newton Thomas Sigel, la biopic ne va pas laisser beaucoup d’occasion à son spectateur de respirer tant il semble enchaîner à la va-vite les étapes qui constituent pourtant la naissance de la relation entre Freddy Mercury et les membres originels du groupe Brian May et Roger Taylor.


Et c’est la première chose bien ennuyeuse avec ce film : on se penche trop artificiellement et brièvement sur ces premiers contacts, les premières relations que ça soit entre les membres du groupe (hormis Mercury, les autres membres sont presque transparent sur une énorme partie du film et les néophytes du groupe n’en retiendront probablement aucun nom) ou sa première petite amie Mary Austin (sa petite amie dont les dialogues lors des scènes intimes sont, au passage, bien mièvre), même la découverte de son homosexualité arrive comme un cheveu sur la soupe


(le premier baiser avec Paul intervient brutalement et on ne revient dessus que bien plus tard sans voir Mercury se questionner sur ses orientations sexuelle, excepté quand il doit se confesser à son premier amour).


Toute la première moitié du film comporte ce qui devraient être les fondations même d’une bonne biopic mais au lieu de se fasciner pour le groupe, on survole l'ensemble face au montage trop vif et à rythme unique de John Ottman et au mauvais découpage qui ne donne que trop rarement la consistance requise pour faire vivre les débuts du groupe, ses premiers succès et son travail musical en intime avec ses premiers pas dans ce qui constituera leur style atypique et inimitable.


Résultat de la paresse présumé de Singer pendant le tournage ou reshoots de Dexter Fletcher arrivé en remplacement ?Je ne saurais dire mais l’aspect impersonnel du film se sent (surtout quand on regarde les précédents films de Bryan Singer).


Ce film semble plus intéressé pendant cette première heure par les concerts du groupe sur scène à tel point qu’on accélère le travail en studio pour y arriver mais même là on suffoque (comment être emporté par le concert si Singer ou Fletcher sur-cut les plans et ne s’attarde que passivement sur les réactions du public ?).


Tout cela aurait eu plus de substance si le film s’était penché davantage sur les premiers retours du public et de la critique professionnelle, la place qu’elle a occupé vis-à-vis des autres groupes de l’époque, se centrer davantage sur la détérioration des rapports entre Mercury et les membres du groupe et ses difficultés à assumé sa sexualité, les pistes ne manquaient pas.


Je me doute que résumer près de 15 ans d’un groupe en 2 heures 15 c’est très délicat mais là tout semble n’être abordé qu’en surface et sans profondeur. Y compris les concerts, bien que cela dit, trouve un moment pour travailler le rapport entre le groupe et le public.


Point abordé correctement le temps de la naissance de We Will Rock You et qui trouve un minimum de consistance grâce à Rami Malek dans la peau du chanteur star du groupe, le genre de passage que j'aurais aimé voir davantage plutôt qu'un enchaînement de vie trop rapide et qui finit par être visible


(l'ouverture sur le tableau puis la caméra qui descend sur Mercury avant que s'affiche l'écriteau de 1980, pour une raison inexplicable ce plan d'ouverture est répété une seconde fois quelques instants après que le chanteur ait entamé sa conversation avec un membre du groupe, et même pas à quelques minutes d'intervalle).


La deuxième heure calme un peu le jeu et laisse enfin la caméra et au montage image de se poser. Et prend son plus son temps pour suivre Mercury durant sa vie personnel ainsi que de son entourage, mais c’est trop tard pour nous investir entièrement dans l’entreprise. Ce qui manquait dans la première heure se ressent et un peu à l’image d’un The Greatest Showman sorti en début d’année, l’ascension a été trop rapide et du coup n’a pas de poids.


Alors lorsqu’on voit le groupe s’effondrer ou se reformer l’émotion est absente, même la découverte de l’infection du sida de Mercury n’arrive pas à être déclencheur d’émotion et devient tout aussi banal (et il ne suffit pas de placer Who Wants to live Forever pour que ça fasse vibrer nos cœurs).


Et quand bien même le concert de charité du Live Aid laisse enfin la représentation avoir un vrai impact au niveau sonore comme au niveau visuel, cela arrive trop tard. La seule impression que cela nous aura laissé (en tout cas que ça m’a laissé) fut d’assister à un best-of de leurs spectacles et de leur vie de groupe mais avec un cachet cinéma manquant de personnalité et de rythme, surement victime des problèmes de tournage de la part de Singer et du manque d'expérience de Fletcher à la réalisation. Le projet devient d'ailleurs plus malhonnête quand on sait que Fletcher n'est même pas crédité par la FOX et que le nom Singer a été conservé pour rendre plus vendable la biopic (alors que le nom du groupe a largement de quoi être attrayant).


EDIT : Petite rectification, le choix de conservé le nom de Singer ne viendrait pas de la FOX mais de la Director's Guild America.


Trop expéditif et lisse sur les origines du groupe, étouffant dans son découpage, son montage et dans l’enchaînement de la vie du groupe et de sa star en plus de manquer de symbolisme, la biopic ravira peut être les fans hardcore du groupe qui s'intéresse surtout à leur musique mais a été bien loin de me satisfaire. Il ne trouve le salut que grâce à ses parcelles d’humour bien placé et efficace, et la performance bluffante d’un Rami Malek tout en mimétisme dans la peau de Freddy Mercury qui tient sur tout le film.


Mais bon, j’aurais très largement préféré un film biographique beaucoup moins étouffant et moins survolé sur un groupe qui a tout les mérites à voir son histoire portée sur le grand écran, on pouvait espérait bien mieux que ça. Dans le genre de la biopic musical, je lui préférerais The Doors d’Oliver Stone.

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