Tout commence par une séquence que je trouve assez osée et réussie pour l'époque : la caméra, placée à l'avant d'une ambulance, nous bringuebale dans la frénésie de celle-ci à atteindre les urgences. Si cela peut donner la -fausse- impression que le film vivra lui aussi à un rythme échevelé, cela a au moins le mérite d'intriguer et de faire plonger dans l'action "in medias res".

Le film s'articule autour du parcours de Lora Hart : la première partie relate son entraînement d'infirmière (premières réussites auprès des patients, apprentissage de l'éthique si chère à l'hôpital, formation d'une amitié avec une autre stagiaire, rencontre avec un bandit au grand coeur), puis, après une jolie séquence où notre héroïne prononce les voeux de Florence Nightingale, la seconde relate son investissement auprès de patients particuliers, deux jeunes enfants souffrant de maltraitance, que l'on cherche visiblement à assassiner.

Wellmann tisse avec habileté un double portrait, à travers ce film : celui de l'institution hospitalière (son organisation, sa hiérarchie, ses codes, son fonctionnement, son éthique distordue ; mention spéciale à la séance d'opération, filmée avec un dépouillement clinique fort efficace) et, surtout, celui d'une femme, en but avec le mépris et le désir des hommes, qui va apprendre à se dresser contre le système. Tour à tour source d'admiration ( sa beauté lui vaut son poste et lui apporte une aide précieuse ; Wellmann s'attarde à plaisir sur la beauté de Stanwick et l'admiration qu'elle suscite) ou objet faible à plier (son supérieur hiérarchique lui conseille de se la boucler, ne supportant pas d'être contredit ; un ivrogne tente de l' "embrasser" alors qu'elle cherche à ranimer une patiente ; elle se fait frapper par Clark Gable - excellent en chauffeur antipathique et brutal), Lora apprend à renverser le "male gaze" à son avantage, à imposer ses -justes- convictions et à tenir tête aux brutes qui ont osé douter de ses capacités (scène jubilatoire où elle se "venge" de la mère indigne des deux enfants dont elle s'occupe, ainsi que de son amant).

Et si l'on ne peut pas considérer le film comme féministe pour autant (pourquoi assimiler systématiquement la colère féminine à de l'hystérie ? Pourquoi "diminuer" un peu l'amie de Lora, en la faisant fréquenter honteusement un interne qu'elle méprisait, elle dont la gouaille était si rafraîchissante dans la première partie du film ?), si la morale n'est pas sans ambivalence dans ce film (on nous parle avec une légèreté comique d'un assassinat perpétré hors-champ...), si le film aurait gagné à trouver une transition mieux travaillée entre ses deux parties (chacune de bonne facture, mais "mal" rassemblées), il n'en impose pas moins un personnage féminin intéressant, porté par une Stanwick au visage frondeur et au regard fier et fascinant.
LongJaneSilver
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le 1 févr. 2014

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