Derrière À l’Origine et Marguerite, déjà deux films dont les promesses et les duperies sont le cœur, L’Apparition ferait bien office de troisième opus de cette trilogie signée Xavier Giannoli. Le film se concentre sur le véritable procédé de l' »enquête canonique », engagée par le Vatican qui organise ces commissions pour démêler le vrai du faux sur des faits supposés surnaturels, entre guérisons et apparitions miraculeuses. Une commission qui ne comprend pas nécessairement que des personnalités religieuses, mais aussi des historiens, des professeurs ou encore des médecins.


Le métrage semble très long de ses cent-trente-sept minutes, que l’on sent passer. Ce qui ne gâche pas vraiment l’exercice de Giannoli ici, livrer une véritable enquête tel un polar, le protagoniste principal découvrant petit à petit les éléments de l’histoire en même temps que le spectateurs, et finissant par s’y découvrir lui-même. Que l’on soit croyant ou athée, le démarche est ici abordable pour tous, car c’est un film qui respecte le fait de croire tout en interrogeant l’acte en lui-même, de façon quasi mystique. Il ne se révèle corrosif que sur le caractère de la manipulation, autant dans la religion que dans les médias.


Dans les dédales envoûtantes et cupides de la foi, tout est fait pour que l’on s’identifie très vite au héros interprété par Vincent Lindon, d’une présence extraordinaire comme il nous en donne l’habitude. Mais c’est surtout sa caractérisation qui fait mouche : c’est un protagoniste présenté dans un état de détresse, gardant des séquelles physiques et psychologiques suite à une confrontation directe avec la violence et la mort. La phobie du contact humain et du monde extérieur comme point de départ, il va prendre le sentier en entonnoir d’une odyssée du regard et de la représentation.


Le personnage entame l’histoire comme prétexte, fuir cette fermeture pour analyser les faits de façon objective et passive, tout comme le film rationalise à chaque instant le fait de croire. Cette confrontation entre un homme de terrain blessé et un monde de l’abstraction dessinant L’Apparition tel une sorte de thriller mystique efficient, glissant doucement vers la quête existentielle. La progression du récit demeure toutefois trop didactique voire maladroite, de sa facilité agaçante de découper l’histoire en chapitres titrés jusqu’à quelques longueurs dispensables.


Le film demeure efficace grâce à une essence immersive belle et bien présente, grâce à son caractère méthodique et la présence de son héros, mais aussi de la relation de ce dernier avec la jeune fille au centre de l’affaire surnaturelle – interprétée par Galatea Bellugi, une révélation à la présence incontestable et au regard incroyable. Ce duo nourrit tout le film et les thématiques qu’il gratte : la fascination, le doute, l’abandon de soi, le culte de l’identité, et surtout l’amour, l’amour pour quelque chose qui nous dépasse, hors de notre portée, autant à échelle divine que humaine.


Giannoli nous interroge de façon intéressante par le biais de son parti-pris de polar ésotérique, une quête de sens qui trouvera certaines de ses réponses, mais en délaissera d’autres en ouvrant une part d’interprétation, de croyance et de non-croyance. Sans aucun jugements, le cinéaste dresse le portrait universel et touchant, et aucunement acariâtre, d’une foi dont les fondements sont la recherche d’amour, la recherche d’un regard.


Avec un beau scope et une belle photographie, L’Apparition est un objet des plus propres avec une direction d’acteurs au sommet, et à l’intrigue bien menée entre manipulations, fanatisme et catharsis. La mystification est là, palpable, probable, sa confrontation avec la science invoquant alors le thriller comme le drame intimiste. Le fin mot de l’histoire n’est qu’éphémère, car Giannoli creuse sur la longueur pour y chercher l’humain, le qui et non le pourquoi, enquête de croix abreuvée de mystères dont le dénouement ouvert laisse le champ libre à la réflexion.


https://obscura89.wordpress.com/2018/07/16/lapparition-xavier-giannoli-2018/

MaximeMichaut
7
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le 16 juil. 2018

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