L'Écume des jours par Anna_M
L'écume des jours, c'est une histoire qui nous fait entrer dans un univers réaliste mais parsemé de fantastique, anachronique et parodique, mais très vrai. Dans cette histoire, les nénuphars sont des maladies, et les fleurs peuvent les soigner. Les murs rétrécissent quand le temps est compté, et l'expression "prendre 10 ans en une semaine" n'est plus juste métaphorique. C'est dans ce monde que, entouré de leurs amis, Colin et Chloé tombent amoureux, puis doivent affronter ensemble la maladie de Chloé. Difficile d'adapter quelque chose de si déroutant en le fixant par des images et des sons... Peut-être, et ce n'est que mon avis, l'univers de ce roman de Vian et celui de Gondry se ressemblent-ils trop. Je me demande s'il n'aurait pas été plus judicieux qu'un réalisateur moins fantaisiste, moins coutumier des étrangetés cinématographiques, tente sa chance pour adapter le roman. La confusion aurait été moindre. Car devant ce film, je n'ai cessé de me demander si Gondry se contentait de faire du Gondry, ou s'il nous proposait réellement son interprétation de l'Écume des jours. Ce n'est pas l'idée qu'on adapte au cinéma ce chef d'œuvre littéraire très intimiste qui m'a gênée. Non, c'est l'impression que l'adaptation du roman était un prétexte pour que Gondry nous déploie ses plus beaux artifices. Ce nuage rose, cette pluie qui ne tombe que sur Colin, cette patinoire sur laquelle les gens tournent comme des marionnettes... Je trouve qu'ils ont été trop explicités. Toutes ces touches d'onirisme perdent de leur onirisme parce qu'elles sont prévisibles venant d'un réalisateur comme Gondry. Je suis peut-être dure, et peut-être beaucoup plus opposée que ce que je ne veux l'avouer à l'adaptation de ce roman, mais je trouve qu'à trop vouloir jouer sur les effets, il n'a pas su retranscrire l'âme de l'œuvre. Mais c'est plutôt la première partie du film qui m'a laissée perplexe. Je n'y ai pas ressenti la gaieté que j'aurais aimé y ressentir. J'étais juste spectatrice d'une accumulation de fantaisies. Des fantaisies, certes, très sympathiques et originales visuellement, mais qui donnaient au film une connotation trop artificielle, et trop peu métaphorique. À tel point que finalement, focalisée que j'étais sur la forme, je suis passée à côté du fond, et de la formation -fugace- de l'histoire d'amour entre Colin et Chloé. Or, je crois que c'est là qu'aurait dû naître la magie.... Néanmoins, si j'ai du mal à avoir un avis tranché, à dire si j'ai aimé ou pas, c'est parce que j'ai, malgré ce manque d'empathie pour les personnages, été réellement touchée. La deuxième partie, qui commence avec ce flocon qui entre dans le poumon de Chloé, m'a paru plus cohérente que la première. Si Gondry a échoué à me faire rêver ou à me mettre du baume au cœur, il a, par contre, réussi à me laminer progressivement à partir de ce moment-là. J'ai trouvé les effets visuels plus justifiés. Très vite, Gondry a réussi à illustrer cette espèce de métaphore du temps qui court, à l'image des dactylos sur leurs machines à écrire, si rapides qu'ils interdisent à Colin de rectifier ses phrases. Le choix d'utiliser le noir et blanc pour que l'image adopte la noirceur de l'histoire m'a semblé très percutant. De même, les derniers moments entre Colin et Chloé sont d'une grande intensité, et c'est là que le réalisateur semble le plus avoir donné de sa personne. Cette image de Chloé qui, en devenant translucide, semble désormais hors d'atteinte, est poignante. C'est différent du roman, mais l'émotion débarque, et la métaphore que j'attendais prend sens. Là, enfin, j'ai eu l'impression de voir une interprétation, et plus juste une illustration trop plate et facile. Il me semble en fait que, sur ce coup-là, Gondry a été bien meilleur pour faire sentir la noirceur que la gaieté. Si le film m'a donc emportée dans son univers sur la fin, mon avis sur le film reste mitigé. J'ai été touchée, oui, et j'en suis sortie le cœur lourd. Mais, pour moi, l'écume des jours puise autant sa force du tragique que du doux et du léger. Or, cette douce légèreté, je ne l'ai pas (assez) vue...