Plus impressionnant, plus dépaysant, plus émouvant, plus sombre... une suite exemplaire

Après avoir introduit très efficacement son univers avec un nouvel espoir et rencontré un succès inespéré, Georges Lucas peut s’assurer une indépendance financière afin de poursuivre la guerre des étoiles comme il l’entend et entame immédiatement son écriture. Mais l’attention requise à la création de LucasFilms et le surmenage vécu au cours du précédent tournage le contraignent à laisser les manettes de la réalisation à un autre. Ce fut en l’occurrence Irvin Kershner qui venait de réaliser Eyes of Laura Mars et qui avait été son professeur à l’université pour l’anecdote, Lucas lui laissant une certaine marge de manœuvre à la réécriture de son scénario sur lequel il garde tout de même un œil.


Ces conditions de production permettent de comprendre bien des changements dans le récit et les autres choix qui seront faits pour la conclusion de la trilogie originale sur lesquels je reviendrai en détails, bien évidemment. Il est désormais temps de reprendre les aventures de Luke, Han et Leïa dans cette lointaine galaxie alors qu’ils ont chacun une nouvelle quête qui les attend. Autant le dire tout de suite, le pari est hautement réussi quand on voit que cet épisode est clairement le plus populaire de toute la saga et souvent cité comme l’une des meilleures suites de film de l’histoire du cinéma. Voyons si j’en partage l’engouement.


RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★★☆


Fort du succès commercial fulgurant du premier film, la contre-attaque bénéficie de plus de moyens que son prédécesseur, notamment le double de budget, mais va devoir aussi répondre aux grandes attentes qu’il a généré, autant le dire d’emblée le pari est parfaitement relevé. Le grand spectacle est au rendez-vous avec une mise en scène encore plus impressionnante. Airspeeders et TB-TT déployés pour la première fois à l’écran lors de la première bataille terrestre de la saga sur Hoth envoient tout de suite du lourd pour le démontrer avec des idées très inspirées comme lorsque la caméra se place à l’intérieur du cockpit pour plus d’immersion, que les jumelles ne dévoilent que peu à peu l’énorme quadrupède impérial de bas en haut pour qu’on saisisse tout de suite le problème de taille...


Les combats dans l’espace et les duels au sabre laser ont également gagné en intensité, que ce soit le Faucon Millenium slalomant à travers le champ d’astéroïdes pour semer les TIE à ses trousses ou Luke et Vader s’affrontant sabre au poing sur Bespin, un nouvel espoir peine à tenir la comparaison avec elles en terme de mise en scène et d’effets spéciaux malgré les quelques années qui les sépare. L’empire contre-attaque a repoussé les limites de son époque pour s’inscrire à l’épreuve du temps sur cet aspect spectaculaire qui n’est pourtant que la première de ses qualités.


Le dépaysement potentiellement offert par l’univers de science-fiction se développe avec les infinis déserts de glace de Hoth, les profonds marécages de Dagobah et la cité dans les nuages crépusculaires de Bespin, autant d’opportunités saisies pour une photographie complète et élaborée malgré des conditions de tournage difficiles et des défis techniques en pagaille. Bien loin de la redite vis-à-vis du premier film et parfaitement à la hauteur des ambitions de montée en puissance de la franchise, ces décors audacieux, variés et réussis constituent l’une des principales forces de cet épisode.


La réflexion est la même pour les maquettes avec des vaisseaux et des engins inédits ainsi que pour les costumes avec les personnages extra-terrestres inédits parfois très originaux dans leur design, Yoda en tête bien entendu avec sa très petite taille prenant à contre-pied l’image que l’on pouvait se faire du maître des Jedis, ses traits inspirés d’Einstein en accord avec le savoir et la sagesse que doivent dégager sa figure, ses animations faciles demandant bien des prouesses de son équipe de marionnettistes... Prendre autant de risque dans le design d’un des personnages centraux du récit et les plus importants de cet univers dit beaucoup du mérite du film en lui-même.


On retrouve également cette évolution dans la musique avec l’arrivée du cultissime thème Imperial March mais aussi des thèmes plus mélancoliques en parallèle, une large réussite. John Williams confirme son statut de compositeur d’exception et en deux films seulement nous avons déjà une grande partie des thèmes les plus emblématiques de toute la saga. Il suffit de regarder quelles sont les musiques de Star Wars les plus reprises et réarrangées pour s’en convaincre, quelque chose que j’avoue bien aimé faire à l’occasion. Et si le bilan visuel et sonore est quasiment parfait, il en sera autant pour le scénario et la narration.


SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★★★☆


Le contexte scénaristique favorable à l’Empire change brutalement de la victoire rebelle avec laquelle un nouvel espoir nous avait laissé, mais ça reste parfaitement cohérent avec l’univers établi qui démontrait toute la puissance de l’empire dont l’étoile noire n’était qu’une infime partie, un symbole. De toute manière, ce n’est pas tant le déroulement de la guerre qui importe à ce récit que le développement de ses personnages principaux, protagonistes comme antagonistes, ainsi que de cette galaxie à peine explorée jusqu’à maintenant. Ce choix est parfaitement adapté à cet épisode dont on sait alors qu’il aura sa suite et qu’il peut se permettre d’ouvrir des portes qui pourront être closes par la suite.


Avec l’arrivée de Yoda, la force gagne en impact sur le récit avec les esprits, les prémonitions... sans devenir exagérément complexe et certainement pas grotesque ou incohérente. D’autant qu’on découvre tout ça en même temps que le personnage de Luke et par conséquent très naturellement. Ça aurait été facile de se planter en te mettant des histoires de fantômes, de destins... là où le film était jusque-là de la SF sans rien de surnaturel mais comme ça a été bien introduit dans le précédent film et bien poursuivi ici, c’est une parfaite réussite.


Tout ça amène lentement mais sûrement au pivot du film, l’évolution des personnages de Luke et Vader au fil de leurs découvertes et de leurs interactions. Le jeune héros n’est plus dans le rôle du sauveur miraculeux sans faille ni caractère et le grand antagoniste n’arrive plus à parfaitement masquer ce qu’il a été jadis malgré sa cruauté implacable envers ses pauvres officiers sanctionnés de mort les uns après les autres. Évidemment, il faut attendre le retour du Jedi pour que ces développements prennent tout leur sens mais le tournant assuré par ce film est aussi mythique que réussi.


Leïa et Han, plus particulièrement leur relation, évoluent également et dans une très bonne direction à mon sens. Les opposés qui s’attirent progressivement chacun à leur manière pour moi ça marche très bien, une bien meilleure love story que n’importe quelle autre au sein de la saga au cinéma, surtout comparé à la navrante romance stupidement niaise entre Anakin et Padmé dans la prélogie. Harrison Ford et Carrie Fisher ont parfaitement saisi leurs personnages et le peu de présence de direction d’acteurs n’est pas un problème ici grâce à eux, leurs fameuses répliques je t’aime et je sais sont totalement improvisées par exemple.


Bien que l’on garde pas mal de moments agréables et comiques très efficaces, cette suite se veut également plus sombre et mature, elle y parvient bel et bien avec sa conclusion, la seule de la trilogie originale à ne pas prendre la forme d’une célébration pour la victoire, avec la mise en danger plus explicite de personnages importants comme Han Solo, avec les décors régulièrement plus sombres et anxiogènes qu’à l’accoutumée... C’est une évolution que j’apprécie grandement après un nouvel espoir qui avait entamé la voie mais demandait à être suivie.


CONCLUSION : ★★★★★★★★★☆


Plus impressionnant, plus dépaysant, plus émouvant, plus sombre... Star Wars V L’empire Contre-Attaque est sans aucun doute une suite de très grande qualité, celle qu’il fallait pour intensifier et enrichir le récit initié par Un nouvel espoir et si pour certains cette qualité ne sera jamais dépassée ni même égalée au sein de la saga, ce que je comprends sans problème, ce n’est pas mon cas car je suis un grand fan du retour du Jedi mais ça j’y reviens dans la critique qui lui est associée.

damon8671
9
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les films avec les plus belles scènes de batailles, Les meilleurs blockbusters et Rétrospective - La saga Star Wars au cinéma

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le 29 juil. 2023

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damon8671

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