Nommé judicieusement en France à sortie L'Exorciste : La Suite, ce troisième opus ne prend pas en compte les évènements survenus lors du décrié épisode précédent et se veut comme une suite plus ou moins directe au premier film de William Friedkin. Un parti-pris à l'époque original qui n'est aujourd'hui plus qu'une mode parmi tant d'autres pour faire renaître plus facilement des franchises en manque de thunes. Sauf que là, c'est quand même un tout autre projet, celui de William Peter Blatty, auteur du roman original et scénariste du premier film, qui adapte lui-même la suite littéraire de sa propre œuvre.
Sorti en 1983, "Legion" était tout aussi différent de "L'Exorciste" que ne le fut L'Hérétique, Blatty préférant se pencher vers le thriller religieux plutôt que sur le film horrifique vomitif. Pas de redite donc, cette adaptation film étant aussi distincte des deux précédents films qu'intimement liée au premier où nous retrouvons donc l'inspecteur Kinderman, ce flic bedonnant et cinéphile qui sympathisait avec le Père Karras, enquêtant sur une série de meurtres religieux sordides qui vont l'amener à faire le lien avec la sombre affaire de la possession de Regan MacNeil survenue il y a dix-sept ans ans dans l'histoire.
Repassant derrière la caméra dix ans après La Neuvième Configuration, William Peter Blatty délivre une mise en scène ô combien soignée, incorporant des séquences visuellement mémorables à une atmosphère lugubre, presque dérangeante, l'intrigue se déroulant presque intégralement dans un asile. Ponctué des touches d'humour inattendues ne faisant qu'ajouter un certain malaise supplémentaire, le scénario, pourtant malin et passionnant, se perd hélas en fin de bobine dans des dédales scénaristiques malvenus, peu aidé par les producteurs soucieux de faire un réel lien avec le film de Friedkin et demandant des reshoots supplémentaires, notamment avec un personnage-clé du film.
Au final sacrément inégal, oscillant entre l'horreur psychologique et le film fantastique parfois boursouflé (les séquences oniriques), les passages poignants (les joutes verbales délectables entre Kinderman et le Père Dyer, le discours sur le Tueur aux Gémeaux, puissamment interprétés par un George C. Scott habité) et d'autres concrètement longuets pour ne pas dire interminables (ceux avec le Patient X), L'Exorciste III ne convainc pas totalement mais peut se tarir d'être une œuvre foncièrement surprenante, qui peut se voir comme un thriller unique ou un spin-off opportuniste, au choix, mais garde en lui de rares qualités de mise en scène non négligeables.