Pour sa deuxième réalisation, et son premier western derrière la caméra, Clint Eastwood exploite clairement son expérience italienne. Certains cadrages rappellent ceux de Sergio Leone, son personnage mutique semble proche de l'homme sans nom, tandis que les décors naturels (ici Californiens) sont allègrement exploités. Mais la comparaison s'arrête là, Eastwood développant son propre style.
Dans l'intrigue, d'abord. Pas vraiment un western classique, "High Plains Drifters" voit débarquer dans une ville tranquille un mystérieux pistolero. Alors qu'il abat les trois crapules locales, il est désigné protecteur de la ville. Il en profitera pour exploiter l'hypocrisie et la lâcheté des habitants, afin de leur faire payer une lourde faute passée.
Un scénario presque misanthrope, où personne n'est réellement à sauver. Même notre héros fait plus que profiter, commettant quelques viols au passages (qui ne seraient certainement pas filmés de la même manière aujourd'hui !). Et surtout, une histoire teintée de fantastique, laissant la porte ouverte à deux interprétations possibles.
Notre protagoniste est-il un fantôme revenu d'entre les morts, comme le suggère cette apparition introductive ou ces étranges reflets de flammes ? Ou simplement un proche vengeur ?
Ensuite, le style du film demeure très différent des westerns spaghettis. Beaucoup de personnages nuancés. Une réalisation assez personnelle, qui sait poser son ambiance et prendre son temps. Une BO discrète et presque psychédélique. Des décors ambitieux, qu'Eastwood a du imposer auprès d'Universal qui souhaitait un tournage en studios.
D'autant plus que la ville de Lago a été réellement construite, pas seulement des façades de bâtiments comme c'est souvent le cas pour des westerns. Loin d'être un caprice, cela permet à Eastwood de donner du corps à son films, et de livrer des idées graphiques saisissantes (ces plans de la ville rouge notamment).
Western quelque peu inclassable, sombre et violent, "High Plains Drifter" est donc un film à voir, qui montre qu'Eastwood frappait fort dès ses débuts derrière la caméra.