L'Incident
7.4
L'Incident

Film de Larry Peerce (1967)

Pas mal ce petit film. Je m'attendais à une simple série B, mais c'est un peu plus profond que ça, étonnamment. Assez pessimiste aussi sur le fond.

Tout n'est pas parfait malheureusement. Si l'intro fonctionne assez bien, la première moitié du film reste assez longue, lente, redondante, parfois inutile. C'est-à-dire qu'on nous y présente les personnages principaux, les futures victimes, mais que ces histoires finissent par toutes se ressembler. C'est dommage. Après, une fois tout le monde réuni dans le tram, on est parti pour un voyage assez intense, un voyage dans l'enfer de l'individualité. C'est fou ce que c'est bien écrit. On ressentait déjà les conflits durant la première moitié, au travers des querelles de chaque couple, mais là c'est 10 crans au-dessus, grâce à ces deux voyous qui servent d'éléments déclencheurs. Je regrette juste que la première moitié n'ait pas un peu mieux exploité chaque personnage afin que la deuxième exploite mieux ces éléments. Car pour certains couples, finalement, leurs disputes ne sont pas tellement remises sur le tapis. Mais il y a tout de même une caractérisation qui reste cohérente tout du long.

Notons aussi que tout reste cohérent grâce à cette caractérisation. Un groupe de personnes, chacun pour soi, personne ne cherche à aider un autre et attend on tour bien sagement. On comprend assez vite que pas l'un ne sauvera l'autre. La première moitié du film sert à ça. À nous montrer à quel monde individualiste nous avons affaire.

Ce qui frappe le plus, c'est que les auteurs ont réussi à synthétiser les dialogues tout en maintenant l'illusion du réalisme. J'ai vraiment eu l'impression d'avoir à l'écran deux vrais voyous que l'on aurait filmé à leur insu. C'est fort. Ça me rappelle...

Un soir, je me balladais avec une demoiselle convoitée, nommée Léna. J'espérais vraiment qu'au bout de cette soirée, nos lèvres s'entrechoqueraient. Cela faisait longtemps que nous nous connaissions, mais nous nous étions perdus de vue et là, le hasard nous avait remis l'un en face de l'autre quelques semaines auparavant. Quelques rendez-vous m'ont vite confirmé mes sentiments pour elle, et j'avais l'impression qu'elle m'aimait bien. Et ce soir là, donc, je pensais que ça allait être le bon soir. J'avais même amené un petit cadeau, une mini peluche, que j'espérais lui donner en témoignage (naÏf) de mon amour.
Quand soudain, alors que nous nous promenions sous le clair de lune dans une ruelle, trois coquins apparurent. Hostiles, ils nous invitèrent à nous asseoir pour discuter. Nous acceptions sans pour autant montrer notre frayeur. En tous cas, Léna y parvenait aisément ; moi, je pense que je devais être un peu moins convaincant. L'un des brigands se mit à draguer Léna, tandis qu'un autre laissait glisser ses mains sur moi, comme pour tâter mes poches. Sa main passa sur la peluche à plusieurs reprises : je craignais qu'il se décide à mettre sa main dans ma poche et découvre le cadeau qui aurait fait ma honte. Au lieu de ça, il insistait pour que je lui prête 10 euros. Je lui jurais que je ne les avais pas, il demanda alors 20 euros. Puis, le dragueur demanda si nous étions ensemble. Nous répondîmes non. Il devint alors un peu plus aimable. Peut-être qu'au travers de mon 'non' mal dégluti, il avait compris que j'espérais séduire Léna. Il demanda alors à son pote qui me tripotait d'arrêter de m'embêter, lui assurant que je n'avais certainement pas d'argent sur moi. Il décidèrent, contre toutes attentes, de nous laisser tranquilles, nous souhaitèrent la bonne nuit et partirent d'un côté. Léna et moi étions seuls. Après une minute de silence, nous nous levâmes et partîment en direction de son habitation. Nous parlâmes peu. Je ne lui déclarai pas ma flamme. Je ne lui donnai même pas le cadeau. C'était une drôle de soirée. Ils n'ont vraiment pas été méchants, mais j'ai eu très peur quand même.

Soit... revenons au film. Le discours sur notre société est assez sombre et effrayant. C'est montré avec intelligence et jusqu'au-boutisme. Evidemment, ce n'est qu'un film, donc pas vraiment d'approfondissement du sujet, mais la démonstration n'en est pas moins efficace.

Visuellement, c'est bien torché. La caméra semble légère et suit les péripéties de tout ce petit monde avec facilité. Le découpage est efficace, l'action bien menée. Quelques audaces dans les points de vue adoptés. Des compositions intéressantes. Des acteurs mis en valeur. Un jeu d'acteur très bon. Martin Sheen est très bon, mais son personnage finit malheureusement par s'effacer. Ce 'nest quand même pas triste car son acolyte est franchement doué. Les victimes aussi jouent assez bien. Et puis le décor est bon. Un vrai trame pour plusieurs plans, il semblerait.

Bref, une série B tendant vers le A, assez couillue, bien foutue. Dommage que la premiè!re partie prenne tant de temps sans réellement distinguer les personnages, amis comme la seconde partie est parfaite, ça passe assez bien.
Fatpooper
8
Écrit par

Créée

le 22 déc. 2014

Critique lue 486 fois

1 j'aime

Fatpooper

Écrit par

Critique lue 486 fois

1

D'autres avis sur L'Incident

L'Incident
Johannes_Roger
7

Critique de L'Incident par Johannes Roger

Quiconque à pris le métro dans une grande ville a déjà été confronté à une situation similaire. Larry Peerce fait monter la tension et joue avec nos nerf, il orchestre brillamment la violence de la...

le 3 juil. 2016

2 j'aime

L'Incident
Bastion
8

UNE RAME POUR LES LACHES

Je ne connaissais pas Larry Peerce, ni son film "L'incident". Cette honteuse lacune est dorénavant comblée. "L'incident" pose de façon brutale la question de la non-assistance à personne en danger,...

le 25 juil. 2015

1 j'aime

L'Incident
Fatpooper
8

Un tram pour l'enfer

Pas mal ce petit film. Je m'attendais à une simple série B, mais c'est un peu plus profond que ça, étonnamment. Assez pessimiste aussi sur le fond. Tout n'est pas parfait malheureusement. Si l'intro...

le 22 déc. 2014

1 j'aime

Du même critique

Les 8 Salopards
Fatpooper
5

Django in White Hell

Quand je me lance dans un film de plus de 2h20 sans compter le générique de fin, je crains de subir le syndrome de Stockholm cinématographique. En effet, lorsqu'un réalisateur retient en otage son...

le 3 janv. 2016

121 j'aime

35

Strip-Tease
Fatpooper
10

Parfois je ris, mais j'ai envie de pleurer

Quand j'étais gosse, je me souviens que je tombais souvent sur l'émission. Enfin au moins une fois par semaine. Sauf que j'étais p'tit et je m'imaginais une série de docu chiants et misérabilistes...

le 22 févr. 2014

115 j'aime

45

Taxi Driver
Fatpooper
5

Critique de Taxi Driver par Fatpooper

La première fois que j'ai vu ce film, j'avais 17ans et je n'avais pas accroché. C'était trop lent et surtout j'étais déçu que le mowhak de Travis n'apparaisse que 10 mn avant la fin. J'avoue...

le 16 janv. 2011

103 j'aime

55