Un très bon polar, efficace et percutant mais dont le propos, éminemment politique, à de quoi perturber à l’heure du trumpisme triomphant. En gros, l’arsenal juridique américain est trop permissif et va à l’encontre des intérêts des victimes et des policiers qui traquent les criminels. Par conséquent, il est parfaitement justifié pour un flic un peu particulier de contourner les lois et de rendre lui-même la justice comme au bon vieux temps du far-west…

La figure du flic solitaire, intègre et impassible utilisant des méthodes « viriles » est un classique du genre bien sûr mais il agit le plus souvent ainsi pour contourner une hiérarchie corrompue ou incompétente ou encore par pure vengeance. Ici, rien de toute cela, Callahan agit de son propre chef parce qu’il ne supporte plus de voir le monde dans lequel il vit envahi par des faibles et des « déviants » (ou « punks » selon la mythique formule du film) que la justice irresponsable relâche trop facilement. La galerie de personnages qu’il croise et pour lesquels il n’a que mépris est d’ailleurs éloquente. Les suicidaires et les homosexuels ne sont pas mieux considérés que les criminels armés !

Cette glorification des personnages bien burnés avec de gros flingues (Eastwood a le plus gros de tous, ça ne s’invente pas!) est typique de ce début des années 70. On aime les muscles, les durs à cuire et la morale de cow-boy. Les femmes sont le plus souvent à poil ou parfaitement invisibles, les nègres, les pédés, les chicanos, les hippies et les faibles font profil bas et ils ont bien raison car ils ne correspondent pas au modèle de société qu’on attend d’un aussi grand pays ! Presque du Zemmour dans le texte.

Il est assez drôle de remarquer que le rôle d’Eastwood a été préalablement proposé à John Wayne, Mitchum, Steve McQueen, Burt Lancaster, Sinatra et George C. Scott ! Manquait sans doute Burt Reynolds pour être raccord avec tous les gros bras de l’époque !

Mais si on veut bien ne pas trop se formaliser avec le propos, alors on est clairement devant un très bon Don Siegel ! Eastwood incarne un personnage dont les répliques et la personnalité sont, à juste titre, cultes. Mais il ne faudrait pas non plus oublier la figure du méchant, remarquablement incarné par un Andrew Robinson halluciné qui restera longtemps gravé dans les mémoires !

jjpold
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le 4 mai 2020

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