Voilà un film qui plaira à ceux qui n’aiment que le cinéma ; ceux qui aiment aussi l’Histoire et sortiront malheureusement frustrés de ce film, d’une curieuse co-production ukraino-polono-britannique, qui reprend l’histoire d’un lanceur d’alerte britannique qui tente d’informer le monde sur la fameuse famine ukrainienne de 1933 qui a fait plusieurs millions de morts.
Loin de la paresse de réalisation qui caractérisent certains biopics un peu trop concentrés sur leur histoire, L’Ombre de Staline a le grand mérite de tenter. Parmi ses principales réussites formelles, on peut citer le magnifique ciel rouge de Moscou au crépuscule au dessus des buildings modernes (années 20-30), qui rappelle l’esthétique bicolore des affiches de l’époque, ou encore les très “belles” scènes apocalyptiques de la campagne ukrainienne sous la tempête et la famine. Même si le procédé est devenu assez courant, le jeu sur les miroirs ou le reflet des carrelages est aussi plutôt bien vu (à la limite du m’as tu vu, mais ça va encore).
Mais malheureusement, le fond (scénario, dialogues, réflexion générale) a trop de défauts pour mériter mieux qu’un 6/10. Le principal gros défaut est ce leitmotiv d’Orwell qui écrit la Ferme des Animaux en parallèle du récit : en quoi sert-il le récit ? Quel rapport ? Le journaliste a-t-il vraiment rencontré l’auteur et inspiré la ferme des animaux ? Ce fil rouge, en plus de n’être que peu pertinent, occasionne des dialogues franchement peu convaincants : imagine-t-on Orwell lui-même, après avoir affirmé au personnage principal qu’il y avait quand même des choses positives à tirer de l’URSS, se laisser persuader par un journaliste lambda lui répondant en substance “eh ben en fait non” ? En quoi cette histoire est particulièrement représentative de la Ferme des Animaux, et pas d’une autre oeuvre sur le totalitarisme ?
A l’image de cette séquence, pas mal de situations qui avaient le potentiel pour donner lieu à des réflexions intéressantes en restent à une superficialité de traitement très frustrante, qui frise parfois la caricature. Ainsi ce conseil des ministres où le sujet du péril que représente Hitler est balayé en 20 secondes top chrono, et où personne parmi les vieux messieurs composant le gouvernement ne semble prendre au sérieux le jeune homme qui tente de les avertir de ce danger : on a du mal à imaginer autant de puérilité dans une instance qui se prend autant au sérieux.
Bref, comme dans beaucoup de biopics ou de films historiques abordant des sujets politiques (De Gaulle, récemment, montrait les mêmes défauts), le traitement est trop mâché, trop grand public, trop convenu pour être crédible.
J’en suis venu à la fin du film à chercher des circonstances atténuantes à l’URSS, c’est dire.