Les crimes commis au nom du communisme, à l'époque de Staline, en particulier, restent encore largement méconnus. D'une toute autre ampleur que Katyn (raconté par Wajda), l'Holodomor, autrement dit la famine qui ravagea l'Ukraine au début des années 30 (des millions de morts) fait aujourd'hui l'objet d'un film d'Agnieszka Holland, à travers le prisme d'un journaliste gallois, Gareth Jones, qui le révéla aux opinions publiques occidentales, sans être véritablement entendu. L'ombre de Staline s'attache aux pas de ce lanceur d'alerte oublié, au fil d'un récit très documenté où la réalisatrice s'attaque aussi aux compromissions diplomatiques de l'époque et à l'aveuglement d'une presse sous contrôle. Le film comporte une poignées de scènes presque insoutenables au cœur d'une Ukraine dévastée, qui contrastent avec l'opulence des dîners moscovites. Si le travail d'Agnieszka Holland est le plus souvent particulièrement impressionnant, il est parfois gâché par une mise en scène esthétisante et maniérée, qui va un peu à l'encontre du souci d'authenticité. La présence de George Orwell, en pleine écriture de La ferme des animaux, contemporain de Gareth Jones mais dont on ignore s'il l'a véritablement rencontré, ajoute un élément littéraire et distanciant qui ne s'imposait pas nécessairement. Reste tout de même un long-métrage très maîtrisé et remarquablement interprété (James Norton, Vanessa Kirby et Peter Sarsgaard), qui réussit pleinement sa plongée dans des années 30 où les démocraties européennes sont en crise et où l'Union Soviétique demeure encore un mystère : allié potentiel contre le fascisme ou régime tout aussi dangereux ? De là à comparer cette période avec la notre, c'est sans doute sous-jacent dans le film mais le spectateur a toute latitude pour se forger sa propre opinion.

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le 9 mars 2020

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