Netflix se paie les frères Coen, au départ ce qui devait être une série de six épisodes s'est finalement transformé en un film, puisque les frères ont décidé de rattacher tout ça afin d'en faire un long métrage. La durée des sketches présents dans La Ballade de Buster Scruggs est grandement variable, donc difficile de faire des épisodes de série avec de tels objets. Mais le plus gros soucis des segments, réside dans le fait qu'ils ne racontent pas grand chose. On voit bien vers quoi se dirigent les deux réalisateurs, ils veulent prendre les codes liés aux westerns américains et spaghettis afin de jouer avec ceux-ci. Malheureusement ce qu'ils proposent dans chacun des segments sonne véritablement creux. Celui qui ouvre le film voit apparaitre le fameux cowboy solitaire qui se trouve être une terreur de la gâchette. Le ton de cet épisode est cartoonesque, tout est exagéré ici, de l'ombre des nuages dans le ciel, à la poussière que soulève le cheval en marchant, comme celle que laisse le personnage en s'époussetant dans le saloon, sans oublier la façon dont le cowboy terrasse ses adversaires. Les Coen cherchent à amuser, c'est parfois drôle mais ça n'amuse pas vraiment tout est trop prévisible. Cette prévisibilité est l'autre problème du film, rien ne surprend là dedans. Les deux frères n'arrivent pas à embarquer le spectateur dans chacune de ces petites histoires qui arrivent aussi soudainement qu'elles ne repartent.


La seconde histoire s’inspire du cinéma de Leone, car comme dans il était une fois dans l'ouest ce sont les sons qui rythmes les images dans l'ouverture du segment. On retrouve le grincement non pas d'une roue mais d'une enseigne de bank, qui se balance au grès du vent. Le guichetier à la demande d'un parfait inconnu raconte les mésaventures arrivées aux derniers braqueurs de banques. Le sort de l'inconnu est dès lors ultra prévisible, donc encore une fois de plus difficile de trouver ça drôle. Les deux frères reprendront aussi le gag de la corde qui est aussi à Leone, puisque on le retrouve dans Le bon, la brute, et le truand avec Tuco qui passe le début du film à avoir la code au cou. Si on sourit parfois ça ne va pas plus loin et l'histoire de ce personnage n'a absolument aucun intérêt. Les Coen utilisent le numérique afin d’obtenir certains effets comme les flèches qui passent sous le nez de James Franco, il faut bien reconnaitre que visuellement ce n'est pas très homogène. Tout comme les incrustations sur fond vert sur lesquels se retrouvent par instant les acteurs.


La troisième morceau s’inscrit encore dans les personnages que l'on retrouve dans le genre, ce segment est peut être bien le plus faible de tous. Pour gagner sa vie un homme parcourt les villes avec un monstre qu'il expose au public. Ce freaks est un homme tronc qui n'a ni bras ni jambes, il lui reste la parole dont il se sert pour conter des histoires aux villageois du coin. Ce segment se veut cynique, mais c'est encore et toujours la même chose, c'est raté car tout est bien trop prévisible. Dès qu'un élément apparait la suite se laisse aisément devinée. Le final de ce sketch est vraiment trop téléphoné pour arriver à fonctionner.


Le quatrième volet s'ouvre avec des images d'une absolue ringardise, puisque l'on voit un pré dans lequel poussent de belles fleurs accompagnées de petits papillons qui butinent. Puis c'est un cerf qui s’abreuve dans une rivière. Tout ça est bien cadré et truqué numériquement, pour un résultat qui ressemble au vilain canevas que l'on trouve accroché au mur du salon de chez mamie. Cet épisode suit l'aventure d'un vieux chercheur d'or, là encore question surprise ça ne fonctionne pas, le final est totalement prévisible par le choix des plans que font les Coen.


La cinquième partie est la plus longue de toutes, mais elle n'est pas foncièrement mieux pour autant, quoiqu'elle réserve certains passages efficaces. On a encore et toujours droit aux stéréotypes du western, avec une caravane qui parcourt l'ouest américain, mais bon dans l’ensemble cette partie ne propose pas grand chose et surtout elle est bien trop long.


Pour la dernière de ces six histoires elle se passe dans une diligence, ce, passage fait inévitablement penser au film de Tarantino The hateful eight, qui lui même est une référence au film de Ford La Chevauchée fantastique. Tarantino a beau dire qu'il n'aime pas Ford c'est pourtant bien sa référence. Ce segment est extrêmement bavard, il sort d'ailleurs de la drôlerie de ce flot de paroles. La bonne idée est de clore le film avec cette histoire, car elle est celle qui possède le plus d’intérêt, elle est la mieux racontée des six.


Les Coen font un film sur deux de bon, là la règle n'est pas suivie car ils enchainent depuis un certain temps les films moyens, mais La Ballade de Buster Scruggs n'a pas vraiment d’intérêt. Les personnages et les histoires manquent d’une réelle construction. C'est surtout ce qu'ils y développent qui est bien trop pauvre. On a une mise en place des personnages, puis une fin tragique, mais entre ces deux points c'est bien trop vide. Les réalisateurs apportent pourtant tout un tas de personnages comme il est de tradition de le faire dans le western. Mais ces personnages arrivent les uns derrière les autres, pour repartir comme ils sont arrivés. Une situation est crée par ces arrivés, mais ça n'apporte absolument rien, c'est accessoire. Visuellement le film dans son ensemble est beau, tant dans l'image que dans les plans, on regrette tout de fois des trucages numériques parfois moches et des plans qui ne laisse aucun doute sur la suite des évènements. La Ballade de Buster Scruggs sans être un mauvais film est loin d’être mémorable.

Heurt
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le 23 nov. 2018

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Heurt

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