C'est quand même ballot, mais connaissez-vous un seul film d'horreur qui fasse peur ?
Un truc qui vous effrayerait à un tel point que vous finiriez insomniaque ad vitam eternam ?
N'avez-vous jamais été déçu par toutes ces listes type "les films les plus effrayants", par ces conseils d'ami "ce film est vraiment terrifiant, faut que tu le voies !", pour en finir toujours avec un vague baillement, et sans jamais ressentir cette fameuse grande frousse ?


Non, aucun film ne fait peur... (ou presque).


Souvenirs d'enfance


Je crois que la peur est le sentiment qui me fascine le plus, loin, loin devant tous les autres, et que je paierais cher pour flipper. Mais en fait (ça va devenir confus), ce qui me fait peur, ça n'est pas ce qui se déroule à l'écran, mais plutôt ce qui ne s'y produit pas encore, mais qui germe et croît dans mon imagination.
En fait, j'ai peur d'avoir peur. J'ai peur de l'événement annoncé comme terrifiant qui se profile, et qui lorsqu'il survient, fait retomber toute la tension.
La peur ne serait donc qu'une accumulation de tension de plus en plus insoutenable, jusqu'à explosion.


Dans le vif du sujet, la peur s'évapore littéralement, avec la fameuse réaction type "ah mais ça n'était donc que ça ?".


Le premier personnage à m'avoir terrifié à un point tel, que j'ai encore aujourd'hui à l'âge de 26 piges, du mal à dormir sans avoir une couverture entière qui me cache entièrement la nuit (même en été quand il fait 50 degrés), c'est Freddy.


Pourtant... Si j'avais vu les films Freddy à l'âge de 7 ans, j'aurais éventuellement trouvé le personnage assez ringard, le film kitsch, mou et chiant. Quoique, les films d'horreur fonctionnent mieux avec les petits nenfants, qu'avec les vieux blasés. Et je me demande s'il ne vaudrait pas mieux montrer les films d'horreur aux enfants, puisque ça n'est qu'avec eux qu'ils marchent le mieux.


Bref, je n'avais vu aucun Freddy, et pourtant il me foutait une peur bleue. Maintenant laissez-moi vous expliquer la raison en vous contant ce trauma d'enfance (oh oui, Père Castor, raconte nous une histoire !)


En fait, vers l'âge de 7 ans donc, j'allais dormir chez des potes qui étaient des jumeaux (non on n'est pas dans un film chelou d'Argento).
Ils avaient une très grande maison, et de très grandes chambres.
Et les jumeaux dormaient dans des lits superposés, en choisissant les lits du haut, alors que moi je dormais à même le sol sur un vieux matelas avec un vieux drap minuscule. Bref c'était des enfoirés.


Mais la nuit tombée, ce qui arrivait de pire, c'est qu'ils parlaient, et me racontaient de leurs voix surplombantes, les détails des aventures de Freddy.
Mon imagination ayant fait le reste, je finissais dès lors traumatisé à vie.


Comme quoi un connard qui te raconte une histoire, ça peut être plus traumatisant pour un gosse qu'un vieux film -12


Mais en ne me basant que sur leur témoignage, qui devenait de plus en plus flou au fil du temps, Freddy est devenu de plus en plus abstrait, je ne savais absolument pas de quoi il en retournait exactement, je savais juste que ça me foutait les jetons, et que je devais vraiment me cacher la nuit tombée pour pas avoir d'emmerdes, pour ne pas me faire attraper un pied, ou un bras, et être embarqué dans les ténèbres.


Après j'ai vu Freddy 1, puis Freddy 2 (aka : Freddy fait son coming out), et puis là, j'ai sévèrement déchanté. Quelle tristesse quand même... Je me suis senti escroqué, c'est donc cette merde qui m'aura traumatisé à vie ? Putain d'enfoirés de jumeaux.


Autre exemple : Je joue au jeu Alien Isolation.
Ce jeu est une énorme purge, tu te balades dans des couloirs vides et sombres avec un détecteur de mouvement qui fait BIP BIP BIP, et t'attends pendant des heures que l'alien daigne montrer le bout de son nez, et il n'arrive jamais. Et quand il arrive, ben tu crèves après avoir fait deux infarctus (oui je suis un noob). Et surtout tu découvres que t'as perdu des heures de ta vie, à te faire chier comme un rat mort, et à flipper à grosses gouttes pour un gros machin ridicule qui se déplace sur deux jambes comme un autiste. Et tu rages. Et tu ragequit.


Le détecteur à alien


Au passage le détecteur à alien est probablement le meilleur outil jamais inventé dans le cinéma d'angoisse.
La simple idée géniale de ce détecteur à mouvement, son design, ce point vert qui se rapproche inexorablement, et cet alien qui reste complètement invisible jusqu'à l'ultime moment fatal. C'est à mon avis, l'utilisation la plus percutante du mécanisme de la peur au cinéma, car étroitement lié au suspense.


Le film d'horreur et le rythme


Un des trucs que je trouve casse gueule dans les films d'horreur, c'est le rythme.
A partir du moment où l'on sait que pour faire peur, il faut faire comprendre au spectateur qu'un événement terrible va survenir, on va être obligé de le retarder un maximum, pour ne pas l'éventer trop vite. La peur fonctionne tout simplement sur le modèle du suspense, mais le pire du pire du suspense, le suspense tellement dark qu'on te fait croire que tu vas finir par chier mou à l'arrivée, alors qu'en fait c'est bidon.


On se retrouve donc avec toute une série de films qui vont jouer sur la rareté des éléments horrifiques, et combler les trous entre chacun d'entre eux.


Mais certains films dits d'horreur, oublient carrément d'exploiter le moindre événement horrifique, et considèrent qu'il suffit de créer "une ambiance", une "atmosphère" reprenant les codes du film d'horreur, pour faire peur. Combien de films d'horreur frustrants qui ne jouent que sur cette ambiance, sans jamais essayer de véritablement susciter la peur, en confrontant directement le spectateur ?


La quasi-totalité.
Par exemple "Shining", c'est un super film d'ambiance, mais c'est pas un film qui fait peur. (A moins d'être effrayé par une vieille peau dans une baignoire, deux jumelles (encore!) dans un couloir, une mare de sang, et un tricycle).
A aucun moment du film tu te retrouves dans une situation où tu es cloué au siège, sans échappatoire, sans contrôle sur rien, en te disant que toi et les personnages vous allez prendre cher. A aucun moment on ne fait véritablement grandir la tension jusqu'à un point qui devient complètement critique (même si la scène de Nicholson et de la hache est pas mal dans le genre).


On kiffe devant les décors, les prestations d'acteur, l'ambiance extraordinaire de l'hôtel, mais on n'a pas peur ! (en tout cas pas moi).


Le gros souci posé par la peur, c'est qu'on est entre deux feux du point de vue rythmique.
Soit tu ralentis trop le rythme pour ne pas lâcher la purée trop vite, et tu prends le risque de t'emmerder.
Soit tu vas trop vite, tu n'instaures pas l'ambiance et ses enjeux qui sont fondamentaux pour s'immerger dans le film, et tu ne ressens strictement rien.


Dans le genre film qui joue sur la peur lente, je pense à "Les Autres" d'Amenabar.
Les événements horrifiques (le piano qui joue tout seul, la salle des draps,...) sont extrêmement rares dans le film, mais incroyablement efficaces, et pour le coup réellement flippants.


Mais... Le film n'est pas pleinement convainquant, il est effroyablement mou en dehors de ces séquences de bravoure, qui paradoxalement tirent leur force de cet effet de contraste.
Et quand les révélations finales interviennent, quand on comprend les raisons qui ont suscité la peur, personnellement j'ai été déçu, et frustré, en me disant "tout ça, pour ça ?".


Comme la peur fonctionne le mieux par effet de contraste, on peut se demander si son fonctionnement idéal ne serait pas de l'allier à l'humour ?


Et c'est là (enfin ou presque) que Alex de la Iglesia entre en jeu, mais avant cela, un petit détour par Scream 3.


Un jour je suis allé voir "Scream 3" au cinéma, et c'était interdit aux -12


Ca faisait des années que je rongeais mon frein, et que j'attendais avec une impatience grandissante la date anniversaire de mes 12 ans.
L'année précédente, je m'étais fait injustement recal d'une séance d'"Il faut sauver le soldat Ryan", et je rageais sec. J'avais beau gueuler sur le guichetier en lui expliquant que j'avais vu "Orange mécanique" 10 fois et "platoon" 35, ce fumier insensible ne voulait rien entendre.


Je crois même que j'ai pleuré.


Bref, le jour de mes 12 ans, j'étais heureux, enfin on me prendrait au sérieux, je n'aurais qu'à présenter ma carte d'identité, et je pourrais enfin voir des films d'adulte au cinéma.


Et je suis donc allé voir scream 3.
C'est con mais à l'époque, je pensais vraiment voir un film d'horreur, et flipper comme jamais.
J'étais à la limite de la syncope, j'attendais nerveusement le lancement du film, franchement j'en pouvais plus.


Et puis j'ai vu.
Et je n'ai pas eu peur.
Et ça m'a fait un bien fou, de m'en rendre compte.


Comme le premier jour où je suis monté dans un manège extrême dans une petite fête foraine un peu vicelarde et suspecte, alors que j'en avais une peur panique, et que je me suis rendu compte que c'était pas si méchant et que je ne vomissais pas sur mes camardes, et que je pouvais donc dès lors m'enchaîner à l'aise 15 goudurix (il n'y avait aucune queue), et 2 tonnerre de zeus (1h30 d'attente par contre) au parc Astérix.


Et puis surtout, c'était plutôt léger, drôle, fendard et marrant.
Entre deux meurtres sanglants du ghostface, vilain cartoonesque manquant de se casser la gueule tous les deux plans, y avait une ambiance bon enfant absolument délicieuse.
Cet effet grand 8 entre moments d'horreur et moments détente était franchement jouissif.


Combler les vides avec l'humour, ça peut être une très bonne idée !
Ok, tu risques de casser un peu ton ambiance "horrifique", ça va pas être optimal, mais au moins si tu flippes pas, tu peux te marrer. C'est toujours mieux que de s'emmerder devant un film plat, mou et chiant.


De la Iglesia est arrivé... Sans se presser...!


J'attendais rien de ce téléfilm, j'ai beaucoup de mal avec le style de la iglesia (même si j'avais adoré crimen ferpecto en son temps), hyper lourdingue, et sans aucune rigueur (avec des scenars torchés n'importe comment, et des mises en scènes souvent bâclées), malgré quelques outrances sympatoches (bon attention, j'ai pas encore tout vu), mais finalement je suis rapidement entré dedans.


Notamment grâce à un couple d'acteurs principaux, extrêmement chouette, qui ont des bonnes bouilles, avec une belle complicité, pour servir un pitch de départ ultra simple (pour ne pas dire simpliste) et assumé :
Un couple et leur bébé s'installe dans une maison hantée.


Et on alterne entre scènes de vies, et scènes d'horreur tout à fait naturellement, avec le petit talent du grotesque de de la iglesia.


Les premières apparitions fantomatiques fonctionnent à merveille grâce à un outil digne du détecteur à alien :
La télésurveillance pour bébé, avec une mini caméra et écran pour pouvoir surveiller en permanence le landau.


On est dans la plus pure tradition du cinéma horrifique jouissif, avec gadgets, dialogues humoristiques, et apparitions fantomatiques terrifiantes.


Bon on déchante assez rapidement, l'aspect horrifique ne se résumant qu'à 4 jump scare. Les deux premiers fonctionnent très bien, mais après ça fait plus du tout peur quand on a compris le mécanisme. Même si l'idée de la caméra qui permet de faire apparaître les fantômes n'est en soi ni neuve, ni révolutionnaire, son utilisation est ici assez originale, lorsqu'elle permet aux personnages de transformer la maison, de traverser les murs condamnés, et de découvrir de nouveaux lieux, situés dans d'autres dimensions.


Mais ça se casse la gueule trop vite, le scénario s'enfonce dans un délire épais sur la physique quantique, alors que le pauvre chat de Schrodinger n'a rien demandé à personne, et le tout devient à la fois con et prévisible, avec un twist final absolument honteux.


Dommage, ça faisait quand même longtemps qu'un film de la Iglesia ne m'avait pas autant emballé.
Mais je n'ai pas du tout passé un mauvais moment, parce que le film a défaut de faire vraiment peur, a au moins joué la carte de l'humour.


Et ça reste définitivement la meilleure des combinaisons.

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le 19 mai 2015

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KingRabbit

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