"Look into my eyes ! Look me in the eyes ! Do you see anything ?
Nothing, there's nothing"
L'image qui reste gravé dans notre esprit après avoir vu The Hunt est celle des yeux larmoyants de Mads Mikkelsen ; Des yeux vidés de toute joie de vivre au cœur d'un visage brisé. Et ce, grâce au plan final centré sur le visage de l'acteur qui nous montre que malgré une sorte de "happy end", Lucas vivra désormais dans la peur et le doute, a l'instar de tous les autres habitants. Tout cela parce qu'un jour, Klara a "dit quelque chose d'idiot".
Ce film profondément bouleversant, en plus de nous faire vivre des émotions incroyablement fortes, interroge sur un aspect de la pédophilie très rarement abordé : le mensonge.
En effet, Il s'agit d'un sujet particulièrement délicat, c'est pourquoi prendre un point de vue qui s'oppose aux enfants est un pari extrêmement osé. Tout comme le personnage de Grethe, les spectateurs auraient pu se braquer en disant qu'il faut toujours prendre le parti des enfants dans ce genre d'histoire. Cependant, le navire est mené avec brio tout au long du voyage et les jeux d'acteurs parfaits nous embarquent complètement. On ressent alors la peur, le déchirement et le désespoir qui traversent Lucas tout au long du film.
The Hunt nous montre que la pédophilie est un acte tellement craint par les parents qu'elle ne laisse aucun échappatoire aux personnes accusées à tort. Une fois que les propos étranges de Klara furent prononcés, les adultes autour d'elle insistent encore et encore ; la poussant continuellement jusqu’à ce qu'elle dise tout haut ce qu'ils avaient si peur d'entendre, même si cela n'est pas vrai. Et même lorsqu'elle se risque à avouer que ces mots étaient insignifiants et qu'il ne s'est rien passé, ils lui répondent qu'elle nie par peur et par gène, que son esprit occulte se qui s'est passé en raison du traumatisme. Elle se voie donc contrainte de dire que Lucas l'a touché. A partir de là, le doute se dissipe, laissant sa place à de la colère et à une haine qui vont gagner les habitants petit à petit.
A cause d'un mensonge initié par Klara, bâti par Grethe et entretenu par le reste du village, la vie de Lucas va s'effondrer progressivement.
The Hunt est une oeuvre difficile, dure dans ses propos. Mais elle est dirigée avec une maturité et une intelligence extraordinaire, et c'est pour cette raison qu'elle m'a coupé le souffle. Exception faites des vingt premières minutes, qui exposent la situation initiale, j'avais l'estomac noué et la gorge serrée tout le long du film.
Mads Mikkelsen est bien plus que le méchant de Casino Royale, c'est un acteur génial, capable de jouer des rôles diamétralement opposés les uns des autres avec le même talent. Dans ce film, il nous montre qu'il est capable d'une grande sensibilité. La scène de la messe de Noël, où Lucas laisse ressortir toute sa rancune sur Théo est incroyable. Il y a aussi le plan final, qui, comme cité précédemment, vient brillamment nuancer le "happy ending" car il montre que malgré l'apparente retombée des tensions, la peur est encore là et qu'elle le sera toujours.
Les reste des points ne nécessite pas d'explications très denses : La photographie est belle, la mise en scène est propre, la musique, simple, reste efficace et s'accorde bien au film (Une guitare seule, ponctuellement soutenue par des violoncelles très doux, qui fait fortement penser aux musiques de Mr. Nobody). En fait, tout le film repose sur deux énormes piliers qui, à eux seuls, l'élèvent très haut : La qualité des jeux d'acteurs et le scénario.
D'ailleurs je l'avais cherché en français dans un premier temps mais, faute de l'avoir trouvé, j'ai récupéré une VO sous titré anglais. Je me dis maintenant que c'est surement mieux ainsi car un mauvais doublage reviendrait à violemment fracasser ces piliers susmentionnés à grand coups de hache. Il faut avouer que les doublage VF sont souvent assez sales ; et même si le Danois n'est pas une langue à laquelle on est accoutumé, prenez-le en VO.
The Hunt est une oeuvre magistrale, qui nous transporte et nous bouleverse comme peu de films le peuvent. Je le recommande donc très vivement à tous ceux qui aiment le cinéma sérieux, celui qui vous prend aux tripes.